Dossier “Territoires et alternatives démocratiques”
“L’organisation actuelle des territoires masque la mise en place de nouveaux pouvoirs plus difficiles à identifier et de plus en plus à l’abri des exigences des citoyens…” (lire ici la suite du Prologue au dossier “Territoires et alternatives démocratiques”)
La nouveauté c’est que des mobilisations naissent de larges et nouvelles convergences d’acteurs anciens et nouveaux, et se positionnent sur des principes fondamentaux comme la propriété et le bien commun. Elles constituent surtout de premières, et déjà décisives, résistances créatrices contre la financiarisation et la marchandisation généralisée de l’aménagement des villes et territoires, dénonçant et s’opposant à de grands projets utiles uniquement à des fins de profit et de spéculation.
La plus significative est la mobilisation contre le projet d’Europacity où des investisseurs chinois et français portaient un méga-projet de commerces et de loisirs sur des terrains parmi les plus fertiles d’Ile de France, à deux pas de l’aéroport de Roissy, autour d’une nouvelle gare de Paris Expresse. Très vite mobilisé autour d’un contre-projet portant sur une agriculture urbaine de haute qualité écologique (CARMA), des acteurs associatifs associés à des citoyens, des professionnels, des chercheurs, mais aussi des élus et des forces politiques, ont su impulser une dynamique exceptionnelle, intense et durable, déjouant le faux chantage à la création d’emplois qui avait séduit certains élus locaux. Devant le risque avéré d’un enlisement et d’une nouvelle ZAD aux portes de la métropole mondiale, le Président de la République a sonné l’abandon du projet initial, qualifié de dépassé et antagonique aux enjeux du XXIème siècle ! Mais la lutte continue et demeure âpre sur le contenu de l’alternative, tant est grand l’enjeu de la valorisation foncière autour d’une nouvelle gare métropolitaine, sensée participer au financement même des nouvelles lignes du métro!
Un autre exemple est donné par l’association « La Seine n’est pas à vendre », née à l’occasion d’un projet immobilier sur le domaine public en plein cœur de Paris dans le cadre du concours Réinventer la Seine initié par la ville. Son action, toujours en cours, a contribué aussi à l’abandon d’un autre concours de la Ville de Paris autour de la création de trois nouveaux ponts et de l’aménagement de leurs abords par des opérateurs privés, et qui a été annulé suite à la décision du Conseil d’Etat pour cette raison.
La mise en œuvre d’une métropole alignée sur des logiques néolibérales a donné lieu à une myriade de projets autour de toutes les gares des nouvelles lignes de métro, ainsi qu’à travers de nouvelles procédures de concours : Réinventer Paris 1 et 2(révolution en sous-sol), Inventer la Métropoles 1 et 2, Réinventer la Seine… Cette frénésie constructive et cet acharnement urbanistique, adoptées depuis dans d’autres métropoles, se drapent derrière des objectifs de créativité et l’alibi des enjeux écologiques. En réalité il s’agît de la plus grande mutation urbaine depuis un demi-siècle, tant par l’ampleur conjuguée de leurs programmes, dispersés sur plus d’une centaine de sites à Paris et en banlieue, que par la logique jamais vu d’effacement de la puissance publique au bénéfice du privé, d’absence totale de toute réflexion et de cohérence globale préalables, et d’une dérégulation au bénéfice d’un marketing territorial au service d’une concurrence mortifère.
C’est cette logique qui est dénoncé par l’appel « La ville n’est pas un Monopoly » initiée par un collectif d’associations. C’est aussi elle qui est au cœur de l’appel « Retrouvons le Nord pour la Gare du Nord » contre un autre mega-projet visant à transformer cette gare en un centre commercial pharaonique. Contre le compromis qui semble se dessiner entre les acteurs du dossier (Etat, SNCF, Ceetrus, Ville de Paris…) l’appel vise une véritable maîtrise démocratique par une double convergence inaugurale : entre citoyens, associations et syndicats d’une part, entre Paris, banlieue et les régions de l’autre.
Ces mobilisations montrent que les luttes métropolitaines concernent toutes les dimensions de la vie de chacune et de chacun. Elles pointent et mettent en cause les logiques globales du néolibéralisme qui tend à coloniser nos vies quotidiennes. Et pour peu que ces résistances soient l’œuvre de larges rassemblements d’un maximum d’acteurs divers, portent une exigence radicale de démocratie et comportent une dimension créatrice d’alternative, elles réussissent à fédérer de nouvelles convergences politiques par-delà les logiques partidaires à mêmes de les mettre en échec.
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