Quand Bruno Le Maire parle de « dérives des dépenses en médicaments » et juge que leur « quasi-gratuité peut déresponsabiliser le patient », c’est pour justifier les coupes budgétaires dans la Santé. Il déroule ensuite toute une série de mesures reportant sur les usager.ère.s, encore, une partie des coûts de leur santé. Il faut bien trouver les 20 milliards d’économies en 2024, autant en 2025, chiffres colossaux, qui vont peser sur les services publics, la Sécurité Sociale et donc la Santé.
Or, celle-ci devient de moins en moins accessible et coûte de plus en plus cher à chacun.e d’entre nous.
Au point que plus du quart de la population a renoncé à un soin pour des raisons financières, 49% chez les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire[1]. Les inégalités se creusent : le coût de la santé pour les 10% les plus précaires s’élève à 7,5 % de leurs revenus contre 2,4 % pour les 10 % les plus riches[2].
En cause, les déremboursements de médicaments, la limitation des prises en charge des affections de longue durée (ALD), les forfaits hospitaliers, les Urgences, la baisse des remboursements comme pour les soins dentaires de 70 à 65% fin 2023, le doublement des franchises médicales depuis le 1er avril et demain l’augmentation des délais de carence…
Mais aussi les dépassements d’honoraires : de 2,4 milliards d’euros en 2015, ils ont franchi les 3,5 milliards d’euros en 2021, les médecins les pratiquant passant de 17% en 2000 à 51% en 2021.
Et au final, un reste à charge moyen[3] qui s’élève à 440€ par an, 772€ pour les personnes en ALD. Et un reste à charge moyen hospitalier des personnes de plus de 80 ans à 1000€.[4]
Sans compter les frais indirects (frais de déplacements pour se rendre en consultation, parkings hospitaliers payants…) non pris en compte dans ce calcul.
Et bien entendu, le coût des complémentaires santé, inégalitaires. Ainsi les retraités voient le coût annuel moyen de leur mutuelle s’élever à 1490€ pour les 66 -75 ans et à 2070 € pour les plus de 75 ans.
La crise que traverse notre système de santé, mis à mal par les politiques budgétaires, le poids accru des dépenses de santé dans le budget des familles, font que le report et le renoncement aux soins augmentent, en touchant d’abord les populations les plus fragilisées mais aussi les classes moyennes avec un impact direct sur leur santé.
A l’opposé de ces politiques délétères, les près de 70 organisations signataires de « l’Appel à une mobilisation citoyenne pour le droit à la santé pour toutes et tous » du Tour de France pour la Santé, se prononcent pour une Sécurité Sociale solidaire et universelle, prenant en charge intégralement à 100% les frais de santé dans un périmètre étendu et défini selon les besoins des populations, sans aucune condition ni discrimination, intégrant en son sein l’AME[5], sans aucun reste à charge, seule garante d’un accès pour toutes et tous au droit à la Santé.
Cette proposition implique la reconquête et le renouvellement d’une Sécurité sociale fidèle aux principes de solidarité qui ont prévalu à sa création en 1945, au « Chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ». Les cotisations sociales salariales et patronales, constituaient alors le salaire socialisé, la part du salaire mise en commun pour la solidarité, donnant des droits aux assuré.e.s sociaux. Nous ne parlons pas là de gratuité.
La suppression des cotisations salariées maladie et chômage en 2018 basculées sur la CSG, impôt injuste non proportionnel, les exonérations de cotisations patronales, l’étatisation vise à nous déposséder de ce bien commun qu’est la Sécu et à offrir aux assurances privées un marché en or.
Nous défendons à Notre Santé en Danger le principe d’une Sécurité Sociale à 100% financée pour l’essentiel par les cotisations sociales. Une Sécurité Sociale gérée démocratiquement par les représentant-e-s des usager-ère-s et assuré-e-s sociaux.
Françoise Nay
[1] Sondage IFOP 2023
[2] IRDES
[3] Reste à charge : ce que chacun d’entre nous débourse pour sa santé après remboursement par la sécu et la mutuelle
[4] Rapport « Nos services publics »
[5] Aide Médicale d’État, actuellement menacée
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