Je ne suis pas une femme, ne le serai jamais et n’ai aucune prétention à donner des leçons aux féministes, j’en suis bien incapable. Alors quelle mouche me pique ? Dire en tant qu’homme et militant, ce que je dois au mouvement féministe.
Ancien soixante-huitard, je dois reconnaître que jusqu’au début des années soixante-dix notre dénonciation du système se limitait essentiellement à l’exploitation économique (contre l’exploitation de… l’Homme par l’Homme sic). Ce sont les féministes qui ont introduit dans la pensée collective la nécessité de combattre tous les rapports de domination en montrant qu’ils étaient au cœur du système et le réalimentaient sans cesse. Dès lors la vision que l’on pouvait avoir de la lutte des classes et d’une autre organisation de la société s’est singulièrement approfondie et élargie. Changer l’Etat et la propriété lucrative ne suffit pas. Jusqu’aux combats féministes, l’émancipation était une promesse pour la fin du parcours. Ces dernières ont démontré, que l’on commençait à s’émanciper dès qu’on luttait pour son émancipation. Bel apport pour qui voulait se débarrasser du « Grand Soir » et ne voulait pas qu’à défaut on fasse de l’eau tiède. Belle redéfinition du rapport visée émancipatrice et enjeux immédiats.
Quant à la dénonciation du machisme, si les hommes y perdent leur lot de consolation entretenu par le système pour mieux les intégrer, ils y gagnent de pouvoir se libérer d’une image d’eux aliénante pour eux-mêmes. Il fut un temps (pas si lointain) où pour être « un homme », on était le CHEF de famille (ah enfin chef quelque part) ; il fallait être fort ; un enfant mâle ne doit pas pleurer ; il faut savoir refouler ses émotions, on n’était pas un homme tant qu’on n’avait pas fait l’armée et pas fait la preuve de sa force physique. Cette image dépassée de la virilité pousse notre identité masculine à ne pas être nous-mêmes.
C’est à la revendication de la sensibilité féminine, libérée que nous devons tous (et pas seulement toutes) ce que c’est d’être…tout simplement humain/e. Cela nous rend plus exigeants quant à notre devenir. En se battant pour l’égalité et l’essor de leur personnalité, les femmes ouvrent la porte à une redéfinition de l’universel. Signe de notre temps. Pas étonnant qu’en Iran leur mouvement soit le levier du mouvement populaire pour la liberté. Elles et ils, même combat.
Pierre Zarka
Image : ©cerises
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