Dans les années 70, les slogans « Le privé est politique « « Notre corps nous appartient « Nos luttes changent la vie entière « incarnaient les luttes féministes, notamment en Europe. Les contributions au numéro de Cerises montrent que ces slogans sont d’une actualité brûlante.
Le viol, les violences sexistes et sexuelles, les discriminations faites aux femmes – hétéros lesbiennes trans – au travail, dans la vie domestique, sont analysés comme des faits de société. Que des hommes puissent être des prédateurs dans toutes les sphères de la société est reconnu grâce aux mobilisations des femmes victimes. Et pourtant le nombre de féminicides ne baisse pas, la volonté de réduire les femmes à leur fonction reproductrice s’affirme. Pas de naïveté : le droit à l’IVG inscrit dans la constitution pourra être réduit ou annulé par simple décision de raccourcir les délais – ou comme aujourd’hui par la réduction des moyens pour accéder à L’IVG. Car oui en France en 2024 des femmes vont avorter à l’étranger faute de pouvoir le faire sur le territoire. Repeupler la France par le « réarmement démographique » n’est pas un objectif porté uniquement, loin s’en faut, par l’extrême droite, les intégristes religieux ou les conservateurs. Bien sûr, ce refus que les femmes soient libres de leurs choix est plus flagrant et insupportable dans certains pays. L’offensive masculiniste passe par tous les biais possibles : la religion, l’éducation au virilisme et à l’assignation des rôles. L’éducation dont parle Lydie Poree est le levier pour que change le rapport entre les garçons et les filles, résumé par l’injonction « éduquez vos fils » face au slogan “ your body our choice “ aux USA, qui trouve de l’écho en France. Le combat « anti-woke » attaque toutes les luttes émancipatrices, qu’elles soient féministes, intersectionnelles, écologistes, internationalistes.
Et il faut être inquièt.es, oui très inquièt.es du fait que Trump ait tous les pouvoirs, comme nous devons l’être, urgemment, en France, devant l’évolution de la faschosphère, qui prend en main des médias, annule des subventions aux assos « wokistes », pénètre toutes les institutions.
Le tandem patriarcat-capitalisme établit de manière brutale ou subtile la domination des classes puissantes par leur histoire coloniale, leur capacité à exploiter les êtres humains, (au premier rang les femmes), les animaux, la nature pour leur seul profit. Dans de nombreux pays, comme le montre Cerises, les hommes utilisent la religion comme arme de domination sur les corps et les esprits, singulièrement sur ceux des femmes. La guerre contre les femmes est permanente, bon nombre d’hommes le savent qui se disent « alliés » des féministes. En temps de guerre où le viol est une arme devenue banalisée, en temps de paix où le corps des femmes est toujours objet : « mais qu’est-ce qu’il a le corps des femmes pour qu’on ne lui foute jamais la paix ? » chante Mathilde. Pour les féministes, l’urgence est de combattre pied à pied l’extrême droite et ses soutiens, même s’il y a parfois des compromis à trouver, par exemple défendre en France le droit des femmes à porter le voile si elles le veulent, quand dans d’autres pays, les femmes risquent mille maux pour avoir refusé de le porter. A Rennes dans les cortèges féministes le 8 mars ou le 25 novembre, des jeunes femmes portant le foulard prennent la parole au micro, assumant une visibilité qui n’en finit toujours pas de poser question, au détriment de la nécessaire construction de l’unité. Il y a DES féministes, et des façons d’être féministe qui se construisent hors des orgas ou des partis, par l’urgence, par l’action, par la solidarité. Il n’est qu’à voir ce qui se fait institutionnellement autour du 8 mars et du 25 novembre, périodes riches par l’engagement des acteurs associatifs avec le fort soutien de Rennes Métropole, et ce que construit l’inter-orga féministe en intersectionnalité : rassemblements, manifs, actions de solidarité.
La dynamique de Nous Toutes 35, de création d’évènements avec des moments joyeux porte chaque année davantage ses fruits, rassemblant des minorités de genre, d’origine, de couleur de peau. Le travail du collectif des colleuses rend visibles féminicides, et violences. Il est possible, nécessaire urgent, au-delà des désaccords (par exemple sur la question de la prostitution versus travail du sexe, ou l’accès à la GPA…), de démultiplier les luttes féministes communes à partir de ces deux slogans : « patriarcat au feu et les patrons au milieu », « solidarité avec les femmes du monde entier », pour le bénéfice de tous et toutes.
Françoise Bagnaud
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