« Nous devons lutter sur deux fronts » nous confiait Yana il y a quelques mois : « contre l’impérialisme russe et son agression contre notre pays et contre le capitalisme oligarchique… et patriarcal ici en Ukraine ». Yana est membre du groupe féministe Bilkis qui déploie d’immenses efforts depuis le début de la guerre pour aider les femmes victimes de la guerre mais qui dénonce aussi l’oppression des femmes dans la société ukrainienne et, comme ses sœurs occidentales, distribue des tracts, organise des réunions publiques ou occupe la rue. Bilkis compte également dans ses rangs des soldates. « Le pacifisme est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre » explique Yana. L’armée ukrainienne compte dans ses rangs une association féministe de soldates, Veteranka, qui combat le sexisme dans l’institution militaire. Mais actuellement, cette lutte sur deux fronts, c’est à Lviv qu’elle s’illustre le plus douloureusement. 6 000 mineurs/es ne sont plus ou partiellement plus payés/es par l’Etat depuis plusieurs mois. 40% du salaire pour ceux ou celles qui travaillent au fond de la mine, rien pour ceux et celles en surface. « Les salaires impayés non seulement aggravent les difficultés financières des familles minières, mais … privent également de la possibilité d’aider plus de 800 employés/es de l’entreprise qui sont dans les forces armées ukrainiennes et auxquels ils/elles (les mineurs/es) fournissent tout le nécessaire (munitions, drones, voitures, etc.) » explique Myroslava Kaftan, la présidente du syndicat. Le 1er août, malgré la loi martiale qui interdit tout rassemblement sur la voie publique, les mineurs/es se sont rendus/es devant le ministère de l’énergie à Kviv. Leurs pancartes disaient ” Rendez nos salaires “, ” Nos familles aussi veulent manger “. L’autre secteur où l’on déteste le mot « optimisation », dont les Ukrainiens/nes ont appris le sens avec la politique néo-libérale menée depuis des années en Ukraine, est celui de la santé. Aux plus de 1 200 infrastructures de santé détruites ou endommagées (comme le bombardement russe le 8 juillet dernier de l’hôpital pour enfants de Kviv en témoigne), au nombre de personnels soignants tués, s’ajoute une politique de fermetures d’hôpitaux, de réduction de personnel… et là aussi des retards considérables dans le paiement de salaires notamment des infirmières. Nina, un des syndicats les plus combatifs du secteur, mène également le double combat. Certains/es de ses membres sont sur le front et soignent les blessés, mais le syndicat doit mener aussi la lutte pour défendre les salariés/es à l’arrière. Le moyen le plus efficace est de créer des syndicats et contrôler tout de l’intérieur… Ainsi, « gérer et contrôler les hôpitaux est possible si nous commençons par élire le directeur par le personnel lui-même » explique la présidente du syndicat indépendant Oksana Slobodiana. De l’issue de ce double combat contre l’agression impérialiste russe et pour une transformation sociale, socialement juste, dépendra le visage de l’Ukraine de demain.
Patrick Le Tréhondat
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