Pour assurer la démocratie, il y a un minimum de formalisme : pouvoir s’exprimer, pouvoir dire oui ou non, pouvoir expérimenter, pouvoir d’agir. Pouvoir mais pas nécessairement avoir le pouvoir !
S’il y a un formalisme minimum, il n’y a pas de recette autre que l’exigence citoyenne à exercer la démocratie, développer en permanence le conflit politique, la délibération collective, le compromis tiré d’un rapport de force ponctuel.
Il n’y a pas plus de démocratie en bas qu’en haut. Combien de club de pêche ou d’associations locales ont un président à vie ? Comment expliquer qu’une droite autoritaire gaulliste savait entendre ponctuellement la puissance du peuple et que le club de judo local se divise pour des questions d’égo ? Comment comprendre la possibilité de l’autoritarisme libéral des gouvernements Macron et l’impuissance des peuples des Gilets Jaunes, des printemps de toutes sortes, des nuits et places occupées, des manifs pour les retraites qui étaient à la quête d’un “pouvoir faire” cherchant à dépasser la bipolarité « pouvoir en haut » et « peuple en bas » ? Pourquoi cette difficulté de ces différents mouvements à converger, à se faire confiance, à avoir envie de partager les expériences, à dessiner un avenir en commun ?
“En France comme ailleurs, le néolibéralisme politique a ainsi dissous l’espace public qui faisait de la démocratie libérale une possible arène légale et rationalisée de la lutte des classes, et des mobilisations sociales une base possible de compromis capital/travail.”(1)
Il a pu le faire parce qu’il a gagné la bataille idéologique en haut et en bas ! Il a gagné par les idées tissées par l’expérience concrète de vies ubérisées, de mythe entrepreneurial à portée de main, de la casse de tout ce qui solidarise.
Il a pu le faire parce que nous en sommes restés au “compromis capital/travail. Nous nous sommes intoxiqués par l’idéologie de la croissance infinie, du productivisme qui permettra de régler toutes les inégalités fusse au détriment de nos rapports au vivant.
Forces politiques, révolutionnaires de salon et des rues, peut-être avons-nous oublié la force de l’aliénation ?
“L’aliénation, pour Henri Lefebvre, nous empêche de voir les façons dont nous sommes dépossédés de notre dignité, de notre vie sociale, de notre temps, du sentiment de maitrise de nos vies, de la beauté et de la santé de notre environnement vécu et de la possibilité même de travailler ensemble pour inventer notre avenir collectivement“.(2)
Patrice Leclerc
- Alain Bertho, De l’émeute à la démocratie, éditions la Dispute
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Kristin Ross, La forme commune, la lutte comme manière d’habiter, éditions la Fabrique
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