« Climat, mégafeux, inégalités. Pourquoi nous n’anticipons plus ? » montre l’inefficacité des approches qui posent comme indépendants des sujets pourtant liés : L’évolution du climat, les inégalités, le mode de déploiement des technologies nouvelles, la déforestation, les mégafeux et les inondations, la métropolisation et son corolaire l’enclavement de certains territoires, etc. Ne pas penser le lien entre ces questions ne permet pas de comprendre le caractère systémique du changement climatique et contribue à dépolitiser la recherche des solutions. En effet, en n’étudiant pas les mécanismes économiques à l’origine de la hausse constante des émissions, cette segmentation occulte la hiérarchie des responsabilités. Pour sortir de cette impasse, le livre reprend sous un angle nouveau trois questions : L’individu et le système, la production et la consommation, le prix de vente et le coût réel.
L’individu et le système ?
D’un côté, une centaine de groupes est impliqué dans 70 % des émissions mondiales, de l’autre, une action très volontaire des consommateurs pourrait réduire ces émissions de 25% au mieux. Ces ordres de grandeur montrent que s’attaquer à notre modèle de consommation ne suffira pas. Il faut combiner changements individuels, actions locales et remise en cause globale de notre modèle économique « Gourmand en CO², économe en emplois mais riche en profits ».
La production et la consommation ?
Faut-il alors agir prioritairement sur la consommation ou sur la production pour réduire les émissions de GES ? La réponse dépasse la hiérarchie des responsabilités mise en avant précédemment. A partir de nombreux cas pratiques, on comprend pourquoi les émissions ont progressé d’environ dix milliards de tonnes entre 1960 à 1990 (30 ans) et de près de 20 milliards entre 1990 à 2020 (30 ans). Les émissions progressent deux fois plus vite dans les 30 dernières années que dans les 30 précédentes. Il est assez facile désormais de mesurer les émissions de gaz à effet de serre dans la production et le transport. Disposer localement de ces données, notamment pour les plus gros émetteurs pourrait rééquilibrer les débats. Par exemple, un data centers de taille moyenne génère environ 10 000 tonnes de CO² par an. Cette information peut-elle faire évoluer la vision de sa propre consommation mais au-delà de celle-ci du modèle économique (le cloud) qui génère une augmentation massive des émissions du numérique ? Peut-on généraliser ces informations et en faire un outil pédagogique de débat sur la cohérence de notre modèle économique et ses contradictions ?
Le prix de vente ou le coût réel ?
Le calcul des « externalités négatives » permet de mesurer les effets négatifs de certaines activités. Dès 1995, trois hypothèses de coût environnemental d’une tonne de CO² étaient élaborées, allant d’un minimum de 4 € à un maximum de 150 € . Peut-on poursuivre ces réflexions qui dépassent le prix de vente pour se rapprocher d’une mesure d’un coût réel prenant en compte les dégâts environnementaux ? Peut-on sur cette base reprendre la réflexion sur une fiscalité environnementale qui ne serait ni une marchandisation de la nature ni un élargissement des droits à polluer mais un mécanisme contestant de l’intérieur la logique prédatrice de notre modèle économique ?
Les sujets sont complexes mais ils méritent d’être débattus. En effet, d’une part la fiscalité n’est pas une chose en soi, d’autre part l’enfermement dans la seule action individuelle fait l’impasse sur l’action publique et marginalise le rôle des Etats. C’est une logique globale qu’il faut élaborer, favorisant une autre cohérence économique, remettant en cause la logique de métropolisation, la productivité basée sur l’automatisation et l’IA, l’individualisme, la privatisation des communs, favorisant la remise en cause concrètes des schémas de rentabilisation impactant massivement le climat, etc.
Trois riches débats à construire…
1. Philippe Nikonoff, L’harmattan novembre 2022.
2. P 140/141.
3. P 16
4. External costs of energy. 1995.
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