Délicieux.

Articles courts à déguster à tout moment.

An elephant sitting still

La caméra passe d’un personnage à l’autre en taillant à grands coups de lame de rasoir dans le vif de leur sujet, sans jamais verser la moindre goutte de sang. La violence des coups est symbolique et porte au cœur des relations courantes. Au hasard des rencontres, chacun essaye de trouver un autre sur sa route ou dans sa famille. Mais ils se cognent les uns aux autres, ricochent, rebondissent et s’écrasent contre le mur de l’incompréhension, du quiproquo, mais aussi de la trahison, de l’égoïsme caché derrière une bonne conscience de façade, enfermant chacun d’eux dans une profonde solitude. Quand par malheur un sentiment émerge, hésitant et vulnérable, il est châtié sur-le-champ.

Hu Bo nous dépeint lentement, calmement, chirurgicalement, scène après scène, une société chinoise en perdition. Les plans sont plein d’humilité et de compassion  pour les personnages filmés souvent de dos, le montage est discret, les images virent au bleu, dans une pénombre omniprésente. Sa radiographie de la communication est si précise qu’elle révèle l’impossible rencontre que la langue tente pourtant d’établir. Nous ne pouvons que rester pétrifiés, glacés devant l’orfèvrerie de cette démonstration.

Hu Bo s’est suicidé à l’âge de 27 ans à l’issue de ce seul et unique long-métrage. Comme ceux qui ont approché de trop près la vérité, il s’est brûlé les ailes. Mais il nous laisse ce précieux héritage, un art philosophique sur la nature humaine.

À ne pas manquer pour ne pas mourir idiot.

JBL

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