1963, naissance du BUMIDOM, Bureau des Migrations d’Outre-Mer, une décision gouvernementale initiée par Michel Debré, ex Premier ministre devenu député de la Réunion.
Le BUMIDOM fut une société d’État, une entreprise publique. Elle naît pour favoriser, contrôler, organiser, un déplacement majeur de populations domiennes. Le contexte international est brûlant, les impérialismes sont secoués : victoire du FLN en Algérie, victoire de Cuba à quelques encablures des Antilles françaises. Le contexte local social et politique est fort agité. Ainsi des affrontements de décembre 1959, Fort-de-France est embrasé par une guérilla urbaine opposant les manifestants venus des quartiers populaires aux forces de l’ordre. En mars 1961 cette fois ci au Lamentin, les ouvriers agricoles en grève réclament des augmentations de salaire, des améliorations des conditions de travail et de paiement des salaires. Trois Martiniquais sont tués, plus d’une vingtaine blessés. Tout au long des années 1960, les incidents graves, brutaux se multiplient.
Le BUMIDOM intervient alors comme outil à désamorcer la crise sociale en développement dans les DOM, et comme moyen à combler les besoins de main d’œuvre, notamment dans les services publics de l’État, La Poste, les hôpitaux, la SNCF, la RATP… En outre, dans cette période des indépendances africaines, celle de Madagascar notamment, il importe de confirmer pour des siècles et des siècles, brutalement si nécessaire, l’appartenance des DOM au giron de la République française. Dans cet esprit, on ne peut éluder qu’écarter une part de la jeunesse des terres antillaises prévient sa rencontre d’avec les mouvements indépendantistes alors en développement.
Si, en France métropolitaine le ton de l’air est celui des Trente Glorieuses, plein emploi, apogée de la société salariale, la situation des DOM est, de loin, beaucoup plus dégradée. Le BUMIDOM s’inscrit dans la continuité de projets antérieurs qui envisageaient le déplacement de populations des Antilles en Guyane ou de La Réunion à Madagascar. Son action essentielle est celle de l’organisation des voyages des migrants vers l’hexagone C’est ainsi qu’en Guadeloupe, chaque semaine un avion charge les candidats au miracle BUMIDOM, souvent mineurs de 18 ans et jeunes d’à peine 20 ans, sans diplôme, très souvent aînés de familles extrêmement pauvres. Le BUMIDOM promettait aux Domiens un bel avenir en « Métropole » annonçant formation et emploi dans la foulée avec billet aller financé par le Bumidom. À l’arrivée l’espoir s’écroule, ils et elles affrontent un réel douloureux. Ils et elles peine à raconter le BUMIDOM ; dureté de l’accueil, précarité du logement, salaires les plus bas de la fonction publique et du privé, souffrance du déracinement, racisme ambiant…
Le BUMIDOM fit migrer 160 000 personnes en vingt ans
Sous pression des mouvements autonomistes, indépendantistes, politiques et syndicaux, accusant le BUMIDOM de ponctionner les forces vives de leurs nations, le gouvernement supprimait le BUMIDOM en 1982.
Catherine Destom Bottin
Néo-colonialisme, captation et fuite des cerveaux.
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