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Apocalypse en Palestine 

Jamais depuis la fin de la seconde guerre mondiale, un conflit n’avait fait autant de morts, autant de destructions, en un temps aussi court. 20 000 tués au moins, dont deux tiers d’enfants et de femmes, des dizaines de milliers de blessés, la destruction d’une grande parte du parc immobilier (plus de 60% dans la ville de Gaza), la destruction de nombre d’hôpitaux, d’écoles, de l’université Al-Azhar, des infrastructures (routes, réseaux d’électricité et d’eau)  etc. Une apocalypse, mais une apocalypse planifiée : une enquête du New York Times a révélé qu’Israël avait utilisé massivement des bombes d’une tonne sur des zones où l’armée avait appelé les civils palestiniens à se réfugier. Clairement, Israël a décidé de vider la bande de Gaza de sa population et a entamé des négociations avec différents pays, certains européens, pour qu’ils accueillent des réfugiés palestiniens qui n’auront plus le droit de rentrer chez eux après la guerre, ce qui revient à un déplacement forcé de population, un « nettoyage ethnique ».

Apocalypse, c’est le mot qu’a utilisé Joseph Borrell, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, peu soupçonnable d’être un partisan du Hamas,  pour décrire la situation où, selon lui, la destruction est plus ou moins égale voire supérieure à celle de l’Allemagne en 1939-1945. Nous n’assistons pas  à une guerre entre le Hamas et Israël, comme le répètent complaisamment les médias, mais une guerre israélienne contre le peuple palestinien, une guerre qui vise à l’expulser de ce qui reste de la Palestine historique, une guerre qui se transforme en génocide.

Le 12 décembre, l’Assemblée générale des Nations unies a voté, par une écrasante majorité pour un cessez-le-feu humanitaire. Mais qu’importe, soutenu par les États-Unis, Israël peut continuer sa politique génocidaire. Celle-ci est aussi rendue possible par la complaisance de la France et de l’Union européenne, qui ont mis des longues semaines à exiger un cessez-le-feu, mais ne font rien pour le faire appliquer. Elles continuent à relayer le narratif israélien et à appliquer une politique de « deux poids deux mesures ». Ainsi, après l’attaque russe du 29 décembre contre l’Ukraine et la mort de trente Ukrainiens, diplomates français et américains ont dénoncé « la terreur » exercée par Moscou, une formulation qu’ils se sont bien gardé de porter contre Israël après des milliers de morts.

Et surtout elles ne prennent aucune mesure concrète pour forcer Tel-Aviv à stopper son offensive. Pourtant, l’Union européenne est le premier partenaire commercial d’Israël et a accordé à ce pays des privilèges dont ne dispose aucun autre État non membre de l’Union (coopération scientifique, militaire, sécuritaire, etc.) ; il suffirait d’en suspendre quelques uns – comme la coopération scientifique qui sert surtout l’industrie militaire israélienne. La France pourrait aussi, sur le plan bilatéral prendre des mesures, interdire à tous les colons habitant les territoires occupés (rappelons que la colonisation est un crime de guerre) d’entrer sur son territoire, poursuivre pour crimes de guerre les soldats franco-israéliens qui participent à l’anéantissement de Gaza, suspendre certains volets de la coopération et aussi participer aux initiatives pour conduire Israël devant la Cour internationale de justice (à l’instar de l’Afrique du Sud) et de la Cour pénale internationale.

Et si la diplomatie française vient de redécouvrir « la solution à deux États », elle devrait expliquer comment y arriver alors même que Benyamin Nétannyaou vient de déclarer que les accords d’Oslo avaient fait plus de mort que le 7 octobre, mais sur une période plus longue, et que la grande majorité de la classe politique, y compris d’opposition, le refuse. Paris prendra-t-il les sanctions nécessaires pour y arriver ? Sans doute pas, à moins qu’une mobilisation de l’opinion, ulcérée par les images qui nous parviennent, fasse sentir son poids, à travers les organisations de solidarité avec le peuple palestinien, à travers les partis politiques dans lesquels ils militent.

Alain Gresh

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