En fait, le blocus total imposé à la Bande de Gaza par Israël (suite à la victoire électorale du Hamas) dure depuis plus de 15 ans : précisément depuis 2006
Halhul, vendredi 16 octobre 2023
Chaque matin, nous essayons d’additionner nos insomnies respectives pour tenter de reconstituer le fil de la nuit : aujourd’hui, un tel a été réveillé par le silence à 2 h du matin, tel autre par un passage de bombardier vers 4 h 15…
Un cessez-le-feu a été annoncé pour aujourd’hui entre 9 h et 17 h. Mais au moins 3 passages d’avions, à coup sûr, depuis ce matin : s’agit-il juste, par le bruit, de terroriser un peu plus les habitants de Gaza pour les pousser à descendre vers le Sud, ou bien est-ce que cela correspond vraiment toujours à des bombardements ? A 17 h nous entendons 3 détonations sourdes : celles de Gaza, on ne les entend pas d’ici, c’est forcément beaucoup plus près et ça vient du Nord. Deux minutes plus tard, un des fils de R. l’appelle : un missile vient de tomber sur Beit Safafa au Sud de Jérusalem, comme l’autre jour, à deux pas de chez eux (ce quartier palestinien est situé à proximité de la colonie de Gilo). Il y aurait peut-être eu 3 ou 4 autres missiles lancés par le Hamas et un serait tombé sur Tel Aviv tout près de la Knesset (parlement israélien). A la télé, on voit tous les députés quitter leurs sièges précipitamment. C’est sûr qu’Israël n’a jamais connu une telle situation. Et avec ça, au Nord, le Hezbollah qui a détruit les caméras et les systèmes de détection des mouvements au sol et a bombardé un char et un véhicule militaire. Le Hezbollah libanais, non plus, n’a pas encore déployé sa puissance de feu, pour lui les petits dégâts d’aujourd’hui ne sont sûrement que de délicats avertissements : que réserve l’avenir ? Le ministère palestinien de la santé indique qu’il y a encore vraisemblablement un millier de personnes enfouies sous les décombres. Israël a distribué 20 000 fusils aux colons. L’Iran surveille de près les Américains, lesquels ont donné dès le début le feu vert à l’opération de Tsahal et promettent une aide économique substantielle pour la suite. Le Hezbollah a prévenu que l’invasion terrestre de Gaza serait la ligne rouge. Abu Mazen est allé serrer la paluche de tout le monde en Jordanie. Abu Odeh, le porte-parole de la branche armée du Hamas (les brigades Al Qassam) jure « La victoire ou la mort !». Tous les chefs d’États se rencontrent, s’entre-congratulent et congratulent leurs homologues américains en Jordanie, en Syrie, en Égypte, etc, etc en jurant à leurs peuples « Fidélité éternelle à la Palestine ! ». Les enfants de Gaza ont soif, ont faim, deviennent orphelins, sont blessés ou tués ou, « simplement », terrorisés. Aucune aide humanitaire ne peut pénétrer dans la Bande de Gaza. Au large de la plage : 2 bateaux de guerre américains. L’Union Européenne et la Tour Eiffel s’illuminent aux couleurs d’Israël : il se trouve en France des personnages politiques (ou de soudains « spécialistes » du Moyen Orient) pour appeler à une guerre totale contre la Palestine, « Israël ayant le droit absolu de se défendre ». Mais qui est-on pour jeter ainsi de l’huile sur le feu ? Qui est-on pour ne pas saisir les instances internationales de justice, dès maintenant, pour enquêter sur les crimes, tous les crimes ? Qui est-on pour faire courir le risque d’un embrasement généralisé de toute la région ? Qui est-on pour ne pas exiger un cessez-le-feu immédiat de toutes les parties ? Et comment croire que, parce que l’on habite Paris ou Bruxelles, on sera forcément épargnés par les retombées de cette guerre ? Les personnes qui refusent de revenir aux textes fondamentaux de l’ONU comme seule solution sont des criminels.
Allez, il faut que je lâche ma colère pour tenter de décrire les choses avec un minimum de distance, que nous cherchions les infos qui manquent aux Français et aux Françaises, que nous témoignions du passé, aussi. (Et oui, mine de rien, on passe très vite de l’âge éternel de 20 ans à celui de vieux de plus de soixante piges, si on m’avait dit ça… Pfff !)
Donc, aujourd’hui d’après l’UNRWA…
les lourds bombardements israéliens se poursuivent sans interruption depuis la mer, la terre et les airs. Les groupes armés palestiniens de Gaza ont continué à tirer des roquettes de manière indiscriminée sur les centres de population israéliens. Depuis le début des hostilités, 2 808 Palestiniens ont été tués et 10 850 ont été blessés. Selon les sources officielles israéliennes, 1 300 Israéliens et ressortissants étrangers ont été tués en Israël et au moins 4 121 ont été blessés, la grande majorité le 7 octobre ; 199 otages seraient détenus. La ville israélienne de Sderot a fini d’être totalement évacuée hier. A 21h le 16 octobre, aucun nouveau décès israélien n’a été signalé. 333 000 personnes ont été « déplacées » dans des abris d’urgence de l’UNRWA, le total cumulé des personnes déplacées pourrait s’élever à un million de personnes dans la Bande de Gaza. « Déplacées » est un terme neutre, quasi « technique » mais quelle réalité pratique, concrète, derrière ? Ce sont des familles entières, souvent avec des enfants en bas âge, des femmes enceintes, des vieillards, des malades qui se retrouvent sans toit et errent désespérément dans les décombres et les rues à la recherche d’un endroit où poser leur maigre baluchon (parfois 2 ou 3 sacs plastiques et une couverture sauvée in extremis). Au mieux, ils trouvent refuge dans une école des Nations Unies ou dans la cour d’un hôpital. Ils quittent une zone détruite ou menacée de l’être pour une zone détruite ou menacée de l’être : 164 établissements scolaires ont été visés dont 20 de l’UNRWA, l’OMS signale 48 attaques contre des centres de soins et 6 hôpitaux partiellement endommagés. Les déplacés quittent une zone où ils ont soif et peuvent difficilement se laver… pour une zone où ils ont soif et peuvent difficilement se laver ! Israël qui a stoppé tout approvisionnement de la Bande de Gaza en électricité, menace de bombarder l’usine électrique palestinienne si elle est remise en marche. Trois stations de pompage, un réservoir ont été détruits et la dernière des 4 stations de désalinisation de l’eau de mer a fermé ses portes hier faute de carburant. (Il faut noter que dans la Bande de Gaza il n’y a quasiment plus d’eau potable depuis des années et que la communauté internationale est parfaitement au courant : les Israéliens ont tant pompé dans la nappe phréatique de cette oasis pour arroser les pelouses et remplir les piscines de leurs colonies que l’eau de mer s’y est infiltrée. En 98 déjà, on commençait à en ressentir les conséquences : dans certains secteurs, le café était salé !) Des milliers de personnes doivent donc aujourd’hui tenter de survivre sans toit, avec un maximum de 3 litres par jour, des réserves de nourriture qui s’épuisent, il n’y a plus d’électricité et l’essentiel du carburant restant est réservé aux ambulances. Tout le monde pourra lire avec intérêt le rapport d’aujourd’hui de l’OCHA des Nations Unies qui contient ces phrases terribles : « Les hôpitaux sont au bord de l’effondrement. Les boulangeries locales ne peuvent pas fonctionner en raison de la pénurie d’ingrédients essentiels en particulier la farine de blé qui devrait être épuisée dans moins d’une semaine. On estime à 50 000 le nombre de femmes enceintes confrontées à des difficultés extrêmes ». Quant au Comité International de la Croix Rouge, il vient de déclarer : « Les hôpitaux de Gaza risquent de se transformer en morgues sans électricité ». Quatorze salariés de l’UNRWA ont été tués. Médecins du Monde a demandé aux siens de quitter le Nord et de descendre vers Rafah mais affirme qu’aujourd’hui : « Aucun endroit n’est sécurisé dans la Bande de Gaza ». A une question posée par une journaliste de la télévision française, son représentant Jean François Corty (également chercheur de l’IRIS) répond : « Comment vivent les gens ? Difficilement. Mes collègues à Gaza partagent ce qui reste : tout le monde mange au minimum ». L’UNICEF : « Il existe un risque imminent de décès et de maladies infectieuses ». Le responsable de Médecins du Monde précise : « On ne parle pas de semaines ou de mois mais de jours et d’heures… un jeune enfant déshydraté ne peut survivre plus de 2 jours ». Il explique aussi que cela se déroule « dans un contexte de précarisation généralisée de la population, antérieur au déclenchement de la guerre, et qui s’est développé du fait du blocus de Gaza qui existe depuis 15 ans ». Mais aujourd’hui il y a les bombardements en plus. Tout cela on peut le lire dans les rapports officiels mais le même genre de témoignages nous parvient via des Palestiniens de Cisjordanie qui ont de la famille à Gaza.
Des files incroyables de camions d’aide humanitaire attendent depuis plusieurs jours du côté égyptien, toutes les grandes ONG médicales se sont déjà positionnées avec du matériel mais la frontière reste fermée. L’Égypte (l’affreuse vilaine !) ne veut pas accueillir 2 millions de réfugiés gazaouis : la France de Macron l’accepterait-elle, elle qui avec son PIB bien supérieur à celui de l’Égypte est en queue de peloton de l’Europe au niveau de l’accueil des réfugiés et s’apprête à voter une loi de plus (une toutes les années et demi) pour fermer, encore plus, ses frontières et rendre la vie encore plus invivable aux personnes exilées présentes sur le territoire ? Et puis, beaucoup de Palestiniens (les imbéciles !) refusent de partir : c’est vrai, après tout, quoi de plus normal que d’accepter l’épuration ethnique ? Et combien sont déjà morts sur la route du Sud ? La solution, faire entrer l’aide humanitaire ? Oui mais voilà, Israël ne cesse de bombarder, partout, en permanence. Le responsable de Médecins du Monde : « Hors de question de faire courir des risques à nos équipes ». On peut comprendre ! Tous les gens sérieux demandent une trêve « pour pouvoir nourrir et soigner ». Oui mais voilà, Macron, clone du grand gourou américain, partage le même point de vue que son idole : « Israël recevra toute l’aide nécessaire pour poursuivre le Hamas partout où il est ». Dans les salles de réanimation peut-être ? Est-ce que ça ne s’appelle pas un permis de tuer les civils ça ? Il paraît que les grands textes internationaux parlent d’inculpations possibles pour complicité de crimes de guerre…
En fait, le blocus total imposé à la Bande de Gaza par Israël (suite à la victoire électorale du Hamas) dure depuis plus de 15 ans : précisément depuis 2006.
Avec des difficultés extrêmes pour entrer et sortir mais aussi pour faire pénétrer des marchandises : ne riez pas, la liste des produits interdits comportait, entre autres au début, le ciment… et le chocolat ! D’où, au départ, l’origine des tunnels vers l’Égypte. Doit-on imaginer, vue la puissance militaire développée par le Hamas depuis le 7 octobre, que c’est très tôt, dès 2006, que ce projet a commencé à voir le jour et que les années passant, sans intervention autre que des textes de résolutions condamnant le blocus, n’ont contribué qu’à le renforcer ? Il est bien trop tôt pour répondre à cette question comme à beaucoup d’autres : il faudra laisser à l’Histoire le temps de faire son travail.
Mais ce que je peux affirmer parce que je l’ai vécu (et que c’est parfaitement vérifiable) c’est que, dès avant 2006, Israël contrôlant tous les points de passage, il était pour le moins fluctuant et compliqué pour les hommes et les marchandises d’entrer et de sortir de la bande de Gaza.
Décembre 1992
J’avais rendez-vous avec le directeur de la banque du sang : nous avions été sollicités pour une coopération avec la France compte tenu des besoins énormes existant liés à la répression de la première Intifada. Trois ou quatre jours d’attente à El Bireh avant d’apprendre que le couvre-feu était levé, départ précipité, une heure de trajet depuis Jérusalem. Entre temps, le couvre-feu est rétabli et, à l’arrivée, le passage d’Eretz, au Nord, fermé. C’était la première fois que je venais en Palestine et, hormis le Docteur Zein Eddin dont j’avais le numéro et celui du docteur Haidar Abdel Chaffi (mais trop vieux pour que je le dérange), je n’avais aucun autre contact à l’intérieur de la Bande de Gaza. A l’époque, les portables n’existaient pas et je ne me souviens plus comment j’avais fait pour l’appeler (cabine téléphonique ou bien par le chauffeur ? certains commençaient à être équipés de gros machins avec des antennes) mais j’entends encore la voix du médecin me disant : « Non, je ne peux pas aller te chercher, il y a un soldat devant ma porte et, oui, tu dois venir. Vois avec le chauffeur ». Après pourparlers (et avec quelques shekels substantiels à la clé), celui-ci finit par nous dire (nous étions trois) : « OK, ça marche. Couchez-vous au sol ». Il avait disposé un keffieh bien en évidence sur le pare-brise (« Pas envie de me faire caillasser de l’autre côté » : il avait une plaque jaune). Démarrage en trombe sous le nez des soldats et accélération de dingue jusqu’à l’Hôtel de la plage sur le front de mer, devant lequel il nous largue. A l’époque, à Erez, il n’y avait qu’une sorte de guitoune, pas encore de couloir « de sécurité », ni de grillages, ni de barbelés partout comme, plus tard, à l’époque de la « paix » d’Oslo. A l’hôtel, ils nous avaient quasiment déroulé le tapis rouge : nous étions les seuls « touristes ». Une table magnifique avait été dressée… et moi j’avais l’estomac tellement noué que je ne parvenais pas à avaler une seule miette ! Le lendemain, il fallait rejoindre la Banque du sang… mais le docteur était toujours bloqué chez lui ! « Débrouillez-vous, allez jusqu’à l’office central de l’UNRWA et demandez-leur de vous amener en voiture jusqu’à la clinique ». Bon, d’accord, pas de problème. Sauf que les gars de l’hôtel ils ne veulent pas sortir : « C’est facile, vous allez à droite, puis à gauche, vous arrivez à… au croisement avec… puis… ». Un peu flageolants sur nos guibolles, on s’était engagés dans les rues vides (qui, bien sûr, ne portaient aucun nom) et on s’était retrouvés rapidement complètement paumés. On avait quand même compris une chose, mieux valait se faire discrets quand une voiture militaire passait. Mais une chose est sûre, en Palestine tu ne peux jamais te fondre dans le paysage ! De temps en temps, une tête palestinienne dépassait d’un mur : « Vous êtes journalistes ? », « Non, je suis instit ». Éclats de rires : « Allez, pas la peine de mentir ! Vous allez tout droit, puis à gauche, puis à droite, puis… ». « OK, shoukran ». « A fouan et good luck ! ». Il faut dire à leur décharge et à la nôtre qu’à l’époque les journalistes n’étaient pas encore équipés de casques, de gilets pare-balles et de dossards presse bien visibles : pas comme maintenant où ils font, en conséquence, d’excellentes cibles. C’est comme ça que, de tête dépassant d’un mur en tête dépassant d’un autre mur, on avait fini par arriver à l’UNRWA : « Coucou, c’est nous ! Vous nous emmenez à la Banque du sang ? ». Regard halluciné du directeur, un grand mec rouquin (quelque chose comme norvégien ou danois, je ne me souviens plus) : « Ça ne va pas non ?! Hors de question de sortir dans la situation actuelle ». « Ben, on fait comment ? ». « Soit vous restez ici, soit vous partez avec vos petits pieds mais c’est à vos risques et périls ». Quand on a moins de 30 ans, peut-être que, même avec le bide en vrac, on se sent invulnérable : on avait pris nos pieds et on avait fini par arriver à la clinique et le médecin avait fini par nous rejoindre au bout de quelques heures. « On va tenter de faire une sortie, il faut que vous puissiez voir, mais en ambulance c’est plus sûr ». Rues désertes, un petit âne tout seul au milieu de ce qui ressemblait à un ex-jardin public et puis l’odeur, celle que nous avions déjà perçue à Erez mais qui était là, maintenant, tout autour de nous, dans nous, pestilentielle ! Partout, des montagnes d’ordures gigantesques ! « Les Israéliens nous interdisent de les évacuer et de les brûler ». Juste à côté, en plein milieu du camp de réfugiés de Jabaliya, les « égouts » (sortes de tuyaux à l’air libre) et les rigoles au centre des ruelles débouchaient dans une sorte de cloaque autour duquel les enfants jouaient dans la poussière. Les gens avaient installé un grillage autour, pour éviter les noyades. A quelques kilomètres de là, les colonies étaient verdoyantes, leurs pelouses arrosées en permanence par des jets d’eau. Lorsque nous avions quitté le médecin, il nous avait dit : « Pour moi, le plus dur c’est que, dans la situation actuelle, je ne peux pas apporter ma solidarité aux autres peuples frères, comme les Indiens d’Amérique par exemple ». Pour repartir, c’était lui, dans sa voiture personnelle, qui nous avait ramenés à Erez : la situation s’était débloquée (on n’avait pas vraiment réussi à comprendre pourquoi), des ouvriers gazaouis étaient présents par dizaines, attendant que des employeurs israéliens viennent les embaucher et des camions de livraison faisaient la queue pour passer dans l’autre sens.
La dernière fois que j’ai pu aller à Gaza c’était en 98, durant les chantiers internationaux de jeunes.
Nous avions loué un bus et un Palestinien de Deir Istiya (mais avec des documents japonais car, hors période de congés, il travaillait et résidait là-bas) avait tenu à venir avec nous. Ça riait, ça chantait, ça dansait dans le bus ! Arrivée à Erez. La paix d’Oslo était passée par là : route coupée, contrôle sévère, seuls des dignitaires de l’Église, reconnaissables à leurs tenues violettes, avaient pu passer directement sur le côté. Nous, nous avions été bloqués 4 heures sous un soleil de plomb (avec des enfants), apercevant à l’autre bout d’un long couloir grillagé et barbelé nos amis gazaouis qui nous faisaient des signes. Quand je dis « nous », c’est nous moins un : malgré nos protestations, l’ami de Deir Istiya avait immédiatement été refoulé de l’autre côté de la frontière, en Israël, où, lui avait-on précisé… il n’avait pas le droit d’être non plus ! Nous avions interpellé une voiture diplomatique française qui sortait de la Bande de Gaza : les fonctionnaires français avaient dit comprendre la situation et avaient accepté immédiatement de le convoyer jusqu’à Jérusalem. Au moment où les soldats, dont un russe qui ne maîtrisait pas encore l’hébreu, nous avaient enfin autorisés à passer, j’avais fait ma mauvaise tête, exigeant d’être contrôlée par un douanier palestinien puisque, après tout, c’était bien dans une enclave palestinienne dite autonome que je rentrais : ça les avait « un peu » énervés. Quelques années avant, le père de notre amie Randa assurait des liaisons hebdomadaires de livraisons de médicaments entre Ramallah et Gaza, elles furent interrompues aux alentours de 1995 ou 96 mais, en France, tout le monde ne jurait que par Oslo : alléluia, la paix était descendue du ciel, on allait enfin pouvoir être tranquilles et arrêtés d’être emmerdés par ce fichu « problème palestinien » ! Alors non, il est faux de faire croire qu’avant la victoire du Hamas en 2006 la Bande de Gaza était libre et open. Par contre, c’est vrai que les colonies israéliennes qui y existaient ont toutes été évacuée par l’armée en 2005 : ça s’appelait « le plan de désengagement unilatéral ». A grand renfort de caméras, le monde entier avait pu voir ainsi comment le gouvernement israélien « œuvrait pour la paix contre les fanatiques juifs ». Avant le « désengagement », la répression à l’égard des Gazaouis se faisait dans les rues et les maisons à coups de matraques et de fusils. Après le départ des derniers colons, les bombardements devinrent plus « aisés »…
Ce soir,
je repense à tous ces gens, tous ces enfants en particulier que nous avons connus à Gaza : Iman de Beit Hanoun, Ula de Khan Younis, Taysir de Jabaliya. Sont-ils encore vivants ? Ont-ils été tués en 2003, 2006, 2014 ? Sont-ils devenus avocats, médecins, ouvriers ? Ont-ils eu des enfants, quels sourires avaient-ils, quelles petites bêtises faisaient-ils ? Est-ce qu’ils aimaient autant l’école que la plage avant le 7 octobre ? Quel est le sel de leurs larmes aujourd’hui et pourront-ils les verser encore longtemps avant la prochaine bombe ?
En regardant les infos des sites palestiniens ce soir sur internet, on apprend que le grand hôpital de Gaza a reçu son deuxième avertissement de la part de l’armée israélienne. Des tirs (on ne sait pas de quelle nature) auraient touché son toit. Le corps médical refuse toujours d’évacuer l’hôpital.
Bon, allez, j’arrête là. Ne pas se coucher trop tard, demain c’est cueillettes. Enfin, on va essayer.
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