Un… Deux… Trois…
Tiens, une valse ? Une nouvelle chanson de manif ? Nous tendons l’oreille. Au loin, l’anti-musique des détonations. Les jeunes en tête de cortège doivent manger de la lacrymo.
« Petit, vois-tu ce pieu de bois,
Auquel nous sommes tous enchaînés
Tant qu’il sera planté comme ça,
Nous n’aurons pas la liberté »
Un… Deux… Trois. Nous chantons timidement.
Les camions de police nous regardent passer, CRS au pied, casqués, boucliers, harnachés… C’est amusant, quand on y pense. Un… Deux… Trois… Trois temps. Un simple temps supplémentaire, qui nous différencie de ceux qui marchent au pas…
« Mais si nous tirons tous il tombera,
Ça ne peut pas durer comme ça… »
Nos voix s’unissent, se mêlent, s’emmêlent. Plus assurées. On se rapproche.
Et les détonations, on s’en balance. On s’en valse.
Car elle est belle, cette chanson. Et le temps, cyclique, cynique, fait résonner ici, à Rennes, la resistencia anti Franco. Parce que ce gouvernement, qui se croit Élu, il faut qu’il tombe, tombe, tombe.
La retraite n’est presque qu’un prétexte. Mépris, mensonges généralisés, racisme d’état, droits de l’homme menacés, bafoués. Sainte Soline ensanglantée. La liste est trop longue.
Quand les idéaux meurent, on ne regarde plus le vent passer. La colère et les lacrymos me montent aux yeux.
« Si nous tirons tous il tombera »
Place Sainte Anne, cortège à l’arrêt. Nous continuons de chanter.
Et notre M. Loyal en tee-shirt rouge de dépasser le chant, d’entrer en danse. « La la la la, lala, lala ». Comme un hommage funéraire à notre démocratie moribonde. Autour de lui, le cercle s’élargit. Quelques pas dansés, cadencés, un… deux… trois… pour lutter contre ce qui ne marche pas, contre ceux qui marchent au pas, ceux qui claquent des talons et frappent nos gosses, pas si loin, sous les détonations.
Nos voix déferlent.
« Et nous aurons la liberté »
La musique se tait.
Il faut rentrer. Reprendre le métro, le boulot.
Dans ma tête valse S. Un pied après l’autre, tête levée vers le ciel, bras écartés.
Je n’aurais pas dû rester statique. J’aurais dû aller danser.
Je ne sais pas chanter. Mais parfois, on ne peut plus rester réservé.
Je ne sais pas danser. Mais parfois, on ne peut plus rester sans bouger.
Je ne sais pas casser. Mais parfois, on ne peut plus rester bien-élevé.
Et face à ceux qui nous tiennent enchaînés,
Il suffira d’un pas dansé
Pour faire de nous des révoltés.
Il suffira d’un pas de côté,
Pour allumer le tison
De la liberté.
Pierre Zarka
Cet article fait partie du dossier :
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