« On n’est pas en démocratie simplement parce que le peuple est représenté par des députés ou gouverné par des présidents élus, mais quand il existe des formes d’affirmation de ce pouvoir de personnes qui sont autonomes par rapport aux institutions de l’État. »
Jacques Rancière
Nicolas Sarkozy l’avait affirmé, François Hollande et Emmanuel Macron l’ont sans cesse répété à l’envi : nous détenons notre légitimité du suffrage universel donc rien à dire rompez les rangs !! Or, depuis longtemps la démocratie est malmenée et il ne suffit pas d’affirmer que le peuple a voté pour qu’on soit quitte.
On ne peut que constater que la démocratie sociale est malmenée : des délégués syndicaux sont licenciés, le droit syndical est en régression mais surtout les travailleurs n’ont jamais eu le pouvoir de décision sur les choix stratégiques de l’entreprise. Le pouvoir est aux mains des actionnaires et des puissances d’argent. Sur le plan politique le taux de participation aux élections locales et nationales ne cesse de régresser. Pour ne prendre que le deuxième tour des présidentielles de 2022, E. Macron n’a obtenu que 38,49 % des inscrits. Pour les législatives on est passé d’un taux d’abstention de 22,8% en 1958 à 51,3% en 2017. Le mouvement social en cours provoque une véritable crise de régime et une crise très grave de la démocratie car le pouvoir est complètement hermétique à l’expression populaire alors que 90% des salariés/es rejettent la réforme sur les retraites, hermétique aux syndicats qui ont montré leur unité sans faille, hermétique à l’expertise du mouvement associatif, Macron sombre dans l’absolutisme présidentiel pour reprendre les propos d’Edwy Plenel. Reprenons les propos de Samuel Hayat dans Libération « Qu’il ait été élu ou qu’il ait pris le pouvoir de force, tout gouvernant dans cette situation dit à peu près la même chose : moi seul suis légitime, moi seul défends l’intérêt général, moi seul représente le vrai peuple. Des millions de personnes sont dans la rue ? C’est simplement « la foule » et « l’émeute » pour reprendre les termes d’E. Macron le 21 mars 2023, « des factieux et des factions », comme il le dit le lendemain durant le JT de 13 heures. Rien de neuf dans ce discours qui commet l’erreur de résumer la démocratie, le pouvoir du peuple, aux seules décisions des élus. ». Il me semble que la démocratie est à construire dans une forme émancipée et au cours de ce mouvement social puissant sur fond de luttes sociales (retraites) et écologiques (bassines) les institutions ont été largement questionnées. On a pu voir beaucoup de débats sur la pertinence de la Vème République. Il faut revendiquer le fait que le peuple doit être législateur à part entière, le gouvernement n’étant que l’exécutif. Robespierre disait : « les représentants vous n’êtes que les commis d’un peuple législateur ». Or, on est passé d’un peuple législateur au peuple représenté et la grande bourgeoisie n’a jamais accepté de céder une once de pouvoir au peuple en écrasant dans le sang toute volonté populaire d’émancipation comme en juin 1848 ou au moment de la Commune de Paris. La démocratie réelle n’a jamais été mise en œuvre. Nous vivons une délégation de pouvoir permanente et ce à tous les échelons de la vie politique car on a réservé à une petite fraction de la population la capacité de penser, de savoir et d’agir. Aujourd’hui cette conception est en crise.
Nous conclurons par ces vers de Victor Hugo
Honneur au grand jour qui s’écoule !
Hier vous n’étiez qu’une foule : Vous êtes un peuple aujourd’hui »
Daniel Rome
Cet article fait partie du dossier :
Souveraineté populaire
Une lame de fond traverse la pays. L’illégitimité du gouvernement, du président est devenue insupportable, comme la répression et les atteintes aux libertés. Est-il possible …
Publications similaires
L’affaire du siècle : mobilisation citoyenne.
Gilets jaunes-LKP même combat ?
Démocratie : le pouvoir du peuple ?