Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Un signe des temps profond

Le NPA éclate, LFI se déchire, le PC ne sait plus où il en est, le PS se scinde, à droite le combat des chefs stérilise les appareils. Cela fait trop pour n’être qu’une coïncidence. 

Alors que l’individualité est devenue l’ancrage dans tout phénomène social, la genèse des partis s’est faite sur des rapports de guides et de guidés liés au système représentatif et institutionnel. Il y a ceux (surtout des hommes) qui savent, et fonctionnent sur des rapports verticaux axés sur la prise du pouvoir d’État et celles et ceux qui ne peuvent que réclamer et voter. D’où la dissociation du social (réservé aux refus) et des politiques qui seraient les experts pour forger les réponses

Ce partage vient à la fois des modes de commandement liés à la révolution industrielle et d’une lecture hâtive de la fin de la Commune. D’avoir confondu son écrasement avec l’idée qu’elle a échoué, a poussé à une mise en conformité avec la conception délégataire de la République. Nous sommes citoyen/nes le temps passé dans un isoloir pour désigner à qui obéir ensuite.

Cela aboutit à un enfermement de la politique dans l’espace institutionnel. Et les surgissements du peuple dérangent les structures politiques. Il n’est qu’à penser aux atermoiements devant les Gilets Jaunes. Cela rend les partis inattentifs à l’égard de ce qui est encore en germes dans les têtes. Ils s’indexent soit sur ce que disent les autres forces soit sur les sondages – ces derniers portant rarement sur le fond du fonctionnement de la société, alors que déjà la mise en cause des milliardaires et du refus de se plier au marché s’expriment dans les « manifs ». 

Les partis sont en retard sur ces possibilités comme ils retardent sur le fait que la crise du capitalisme interdit d’espérer revenir au compromis keynésien du siècle dernier.

Ce fossé entre vie politique et aspirations est de plus en plus criant. Il n’y a qu’à se référer aux abstentions et à la crainte des mouvements d’être récupérés par les partis. Ceux-ci font alors écran entre mouvement populaire et son investissement dans la politique, amputant d’autant le passage à une vision collective qui pourrait être majoritaire comme en témoignent les rassemblements sur les retraites.

Sommes-nous dans une impasse si nous ne touchons pas au système représentatif ? oui. Mais les raisons mêmes de ce rejet sont à prendre comme un levier. Déjà la volonté de faire par soi-même émerge : Gilets Jaunes, et récemment contrôleurs SNCF… 

De plus en plus chaque « manif » regroupe des motivations différentes mais sciemment associées. Une utilisation sociale des richesses commence à être exigée. La lutte des classes serait-elle de retour ? Il devient possible de faire émerger un dénominateur commun à toutes les causes à défendre et d’inventer une autre société : le refus de soumettre le vital aux rapports de domination, à la rentabilité financière et s’en prendre au système actionnarial qui est au cœur du capitalisme. Élaborer ses propres réponses transformatrices et les rendre contraignantes pour celles et ceux qui deviendraient des porte-paroles, peut devenir l’ordinaire de chaque lutte et la transformer en force de pouvoir-faire.

Construire des alternatives, passe par, non pas par un grand soir, mais à commencer tout de suite un processus de ruptures et d’arrachement d’un rôle central du peuple et de toutes ses causes, jusqu’ici inimaginé. S’organiser collectivement ne passe pas par la verticalité des formes partidaires actuelles mais peut-être en fédérant différentes approches sur de mêmes objets. 

Déplacer l’affrontement et le débat public ainsi, avant même que les solutions soient réalisées, nourrirait un imaginaire qui bouleverserait le rapport des forces.

Pierre Zarka

Cet article fait partie du dossier :

Horizons d'émancipation

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