Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Une crise historique du politique

L’affirmation selon laquelle la crise des partis politiques, doublée d’un certain rejet des « hommes politiques », est devenue extrêmement courante. Elle s’objective, sans recherche d’exhaustivité, par l’extrême affaiblissement du Parti communiste (mais qui n’a pas disparu comme beaucoup l’avaient annoncé, voire espéré), par la crise historique du Parti socialiste et au-delà la crise de la social-démocratie, par la crise du NPA ou encore de celle de la « droite républicaine » dont une partie a plus ou moins ouvertement rallié le RN.

Certes, cette crise est très ancienne (dont l’essor du Front national, dans les années 80, en est un des symptômes) et doit être reliée absolument (entre autres facteurs) à la crise ici aussi historique de la « démocratie bourgeoise représentative » et de son corollaire, celui du « marché électif » (comme au supermarché, on choisit un candidat, avec ses propositions, sans aucune certitude quant à la fiabilité de ses promesses). Au-delà de la conjoncture historique actuelle, on assiste au rejet et à la faillite de la « délégation de pouvoir » à des représentants élus (incontrôlables car idéologiquement et financièrement (le plus souvent) au service du capital, passant du privé au public de façon de plus en plus manifeste). Cette crise, déjà très mûre, est paradoxalement la preuve de la maturité de la question communiste. 

On peut parler, plus généralement, d’une faillite politique globale, marquée par l’affaiblissement constant des États, au profit du « marché », par la confiscation croissante, par ce que j’ai appelé une « hyperbourgeoisie » mondialisée (une majorité d’actionnaires du CAC 40 sont des fonds étrangers) du pouvoir réel de décision, et donc à un rapport de forces de plus en plus autoritaire, brutal, violant y compris la « légalité » (privatisation du système de santé sans aucun débat et « en douce » !). La montée des régimes dits illibéraux, que l’on peut analyser comme un processus de néo-fascisation, est une autre manifestation de cette faillite. 

Les Français le ressentent plus ou moins clairement, ils se détournent de la politique et se contentent le plus souvent de « résister », « dos au mur » et de se replier sur le « local ». 

Mais, encore au-delà, c’est à la crise du politique qu’on assiste. Tout vient, à mon sens, d’une surestimation « historique » de la voie politique (Commune de Paris, révolution de 1917, Libération) alors que la plupart du temps, de fait, les conditions pour de réelles avancées révolutionnaires n’étaient pas réunies. L’immaturité de la révolution communiste a été longtemps ignorée. Tout processus révolutionnaire à visée communiste exige obligatoirement une réappropriation par les travailleurs et les citoyens des moyens de production et d’échange. Pour faire « évoluer » les rapports sociaux, il faut donc d’abord une mutation majeure des forces productives, c’est-dire essentiellement des travailleurs (au sens large). Ma thèse est qu’une révolution communiste post capitaliste et post-classiste exige des individus capables de se réapproprier effectivement leur outil de production ou d’échange, leur lieu de travail ou de vie, bref de se réapproprier leurs existences. Or cette émancipation ne se fera pas par une décision politique. Le politique ne peut que « couronner » de telles évolutions en validant, par la loi, les avancées révolutionnaires déjà là. De fait, l’État bourgeois (avec la propriété privée des moyens de production) ne peut, en aucun cas, être investi sans être totalement détruit/reconstruit. 

Pourtant, paradoxalement, le communisme est bien en mouvement au sens où cette réappropriation est déjà commencée (on peut parler d’une subsomption formelle du capitalisme). Seule cette réappropriation par les travailleurs de leurs lieux de travail et par les citoyens de leurs lieux de vie peut ouvrir des possibles communistes. 

Jean Sève

Cet article fait partie du dossier :

Horizons d'émancipation

Fin de partis ? Comment produire de la politique ? Autogérer la société ?

Que penser de la crise des partis et organisations ? Si tous les partis de gauche – même à la gauche de la gauche – sont ...
Partager sur :         
Retour en haut