Culture.

PArce qu’on ne peut pas s’émanciper sans aile !


Culture : partager les décisions et les richesses ?

silhouette of three performers on stage

La crise Covid a été pour le secteur culturel un véritable crève-cœur. La crise économique et climatique qui s’annonce permettra-t-elle une refondation du secteur ou une accélération des logiques marchandes ?

Alors que les déclarations du ministère de la culture ne cessent d’intégrer chaque semaine un peu plus les éléments de langages liés aux “droits culturels” et à l’urgence climatique, on se demande souvent comment un secteur précarisé et atomisé pourrait engager de telles ambitions. Les régions ne sont pas en reste, comme la région Sud qui invente un “critère d’éco-responsabilité” pour les subventions des associations culturelles. Alors que les compagnies du spectacle vivant subissent encore les effets de la crise sanitaire, avec notamment une forte diminution de la diffusion des créations, les mots “sobriété” ou “coopération” sonnent parfois douloureusement à leurs oreilles.

La situation financière des collectivités locales produit déjà des effets concrets, avec des programmations réduites et des budgets amputés. La hausse des tarifs énergétiques est, partout en France, un argument pour annuler des représentations, réduire les temps de résidence ou négocier les prix des spectacles. Le théâtre public et ses scènes labellisées ne sont pas en reste. Les revalorisations salariales des équipes permanentes et les frais de chauffage sont utilisés comme argument auprès des artistes pour justifier des négociations et l’expression “on va être obligé de couper dans l’artistique” est courante. Chacun se concentrant sur ses “urgences”, les compagnies sont souvent assignées à des “vendeurs” de projets, ne possédant que leur force de travail. Couper dans les dépenses artistiques sans questionner les recettes et les autres frais fixes des structures, serait une nouvelle injustice pour le monde de la création. Et s’il n’y avait encore le régime des intermittents du spectacle, le monde de la création serait entièrement précarisé.

Il semble urgent d’entreprendre, à tous les niveaux, une refondation de nos métiers qui permette aux professionnel-le-s, aux élu-e-s, aux publics de repenser l’importance de la création et de sa diffusion dans nos quartiers et nos villages. Il apparaît également impensable que la réinvention de nos pratiques, à l’aune de l’urgence climatique, puisse être une affaire de salon ministériel ou d’entreprise de conseil en développement durable. La fièvre au gigantisme du secteur privé du spectacle vivant montre bien que le capital ne s’autorégule pas et qu’il faudra le contraindre. 

Qu’en est-il du secteur public et indépendant ? Devons-nous attendre une nouvelle hausse du prix du pétrole pour engager la décroissance de certaines productions et de ces poids lourds qui sillonnent la France ?

Partout, des initiatives émergent, qui mêlent défense de la création et du vivant. Les spectacles sont aussi des lieux de réinvention d’un récit collectif au service des nécessaires bifurcations. Il faudra pourtant s’attaquer aux cloisonnements qui régissent nos secteurs, car les solutions sont assurément un commun à inventer. Quelle place pour les technicien-ne-s, les artistes, dans les décisions des théâtres ? Comment s’élabore la décision politique qui pousse à confondre culture et divertissement ? Comment ne pas faire rimer sobriété et précarité ? Les décisions à prendre sur les orientations à venir ne peuvent être le seul fait de directeur-trice-s de structures ou d’élu-e-s locaux-ales, même bien intentionné-e-s. 

Laurent Eyraud-Chaume

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