Culture.

PArce qu’on ne peut pas s’émanciper sans aile !


Créations durables et désirables

Je commence mon été par une tournée théâtrale à vélo. Et dire que je me croyais original. Coronavirus, urgence climatique, nos choix de compagnie sont impactés et nous tentons d’utiliser les contraintes comme des occasions joyeuses de transformer nos propositions artistiques. Nous ne sommes finalement pas très originaux et ce qui est sans doute rassurant, c’est que nous ne sommes pas seuls.

Je pédalerai donc à quelques kilomètres de chez moi, sur les routes du Buëch. Je raconterai chaque soir “le jour se lève encore” une fresque familiale où je mets ma biographie à l’épreuve de la fable. J’y parle d’un couple à l’épreuve des défis du présent, d’un arrière grand père ouvrier-paysan qui admire Marcel Paul, créateur d’EDF-GDF et de la CCAS… Bref je tente (de nouveau) de mettre en récit mes doutes et mes bagages familiaux. Cette tournée vélo est surtout l’occasion d’essayer de réinventer une rencontre entre un spectacle et un territoire, de réduire un peu l’impact carbone de nos actes professionnels, de retrouver en extérieur les joies simples d’un moment d’humanité…

Je trouvais ça assez novateur mais je n’ai pas tardé à découvrir qu’un peu partout en France des artistes cherchent à se jouer des contraintes sanitaires et climatiques. Un réseau improbable de spectacles dans les jardins se crée sur les réseaux sociaux et met en relation habitants et artistes de tout le pays. L’amie Lily Luca trimballe sa guitare et sa poésie en vélo alors que le fou-chantant Philippe Séranne (qui habite à 2 pas de chez moi… à Veynes !) traverse les Alpes avec son Piano-Vélo.

Veynes et les Hautes-Alpes sont décidément une terre d’alternatives culturelles et je (re)découvre chaque jour des propositions étonnantes… Le “Piano du Lac” (lui aussi installé à Veynes !) arpente les routes de France et d’Espagne en faisant flotter des pianos (et des spectacles). La petite entreprise poétique est devenue une belle aventure qui réunit des dizaines d’artistes et de technicien-ne-s. Avant d’être tous sur la route, ils hissent à dos d’homme un piano à queue sur un itinéraire de randonnée. Les marcheurs-mélomanes pourront s’arrêter quelques minutes pour partager leur musique avec les oiseaux et les arbres…

Chaque année, de plus en plus de tournées sont organisées de refuge en refuge. Conteurs et musicien-ne-s marchent, histoires et instruments sur le dos, et se passent le relais pour inventer des soirées hors normes dans des écrins de nature.

Dernière invention en date, l’association Kaya, qui d’habitude organise un “gros” festival de musique actuelle à Embrun, a décidé de se jeter à l’eau et d’organiser des concerts flottants entièrement alimentés par des énergies solaires. Une programmation de grande qualité est proposée sur le magnifique lac de Serre-Ponçon pour un public flottant. (On notera au passage que ce lac est lui aussi une création humaine…d’EDF-GDF !).

Ils pagaient, pédalent, marchent. Ils réinventent une poésie loin de la course au gigantisme. La technique est ici utilisée non pour impressionner ou pour écraser le spectateur mais simplement pour permettre une rencontre, pour rendre vivant un imaginaire à partager. Ces quelques mots sont là pour rendre hommage à ceux et celles qui inventent, pour partager avec les lecteurs de Cerises l’idée simple que le futur est « déjà-là » aux creux de ces nouveaux récits qui transforment un effondrement en création, une crise sanitaire en avenir habitable. Bon été !

Laurent Eyraud-Chaume

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