La grève qui a débuté le 5 décembre a été construite, à des rythmes divers, dans et par les organisations syndicales parties prenantes. L’élément fédérateur fut l’appel unitaire UNSA/CGC/FO/SUD/Solidaires à la RATP, renforcé par la CGT ensuite : lancé dans la foulée de la très forte grève du 13 septembre, donnant plus de trois mois pour construire une grève reconductible. Oser prendre l’initiative de l’élargissement a demandé un temps plus ou moins long selon les collectifs militants, mais ce fut fait. La jonction avec les Gilets jaunes, au-delà de quelques exemples locaux, demeure compliquée. L’indéniable reflux de ce mouvement est une des raisons : mais combien de luttes durent ainsi, plus d’un an ? La difficulté d’une bonne partie du mouvement syndical à se situer vis-à-vis de ce mouvement en est une autre. Être ouvert à l’inattendu est pourtant une nécessité pour qui veut inventer une nouvelle société…
Le mouvement de grève porte sur la énième contre-réforme des retraites. Là où la grève est forte, elle repose aussi sur des revendications sectorielles, locales, voire catégorielles. Ce n’est pas un problème : que les personnes en grève définissent leurs revendications à partir de leur vécu quotidien, quoi de plus normal ? Le moment de grève, avec les assemblées générales quotidiennes, les occupations de locaux, les discussions informelles, est celui où le lien entre la situation concrète de tous les jours et la rupture avec le système se fait. Marre du chefaillon et des ordres idiots ? Mais à qui et à quoi sert la hiérarchie, comment la remettre en cause et s’en passer ? Plus facile d’en parler à partir de là où on est, avec celles et ceux avec qui on bosse chaque jour, ensemble, plutôt que d’imaginer cela de manière abstraite ! De même pour plein d’autres sujets : qu’est ce que c’est que cette « concurrence » dont on nous parle dans plein d’entreprises ? Puisqu’il y a des millions de chômeurs et chômeuses, pourquoi ne pas réduire le temps de travail de chacun et chacune ? On ne peut pas financièrement ? Et les milliards de cotisations sociales et d’impôts volés par les grandes entreprises et les plus riches ? Et les profits des actionnaires qui récompensent celles et ceux qui ne travaillent pas ?
Les retraites ? Un débat de technocrates ? Ou un choix politique qui pourrait consister à mettre en avant que les retraites de demain sont financées par les cotisations des travailleurs et travailleuses d’aujourd’hui (et d’hier) et donc que c’est aux travailleurs et travailleuses de décider de l’utilisation de ces fonds : pas aux patrons, pas aux institutions qui les servent ? La fin des régimes spéciaux ? En alignant par le haut parce qu’on peut le faire si on le décide et l’impose ! Nous sommes tous et toutes des régimes spéciaux !
Christian Mahieux
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