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JOURNAL DE JANVIER



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1 réflexion sur “JOURNAL DE JANVIER”

  1. Au sujet de l’article “Mayotte, une colonie”
    D’abord la description factuelle:
    – Stasi n’était plus ministre des DOM dès février 1974, au profit de Pierre Messmer, premier ministre et véritable homme fort du gouvernement.
    – Le parti Action Française n’a selon toute vraisemblance eu qu’un rôle très mineur. Aucun auprès des électeurs mahorais, qui en ignoraient jusqu’à l’existence, très peu auprès du gouvernement. Tout réactionnaire qu’ils aient été, Messmer et l’U.D.R. , bons gaullistes, n’avaient aucune sympathie pour ce groupuscule ouvertement pétainiste. Christian peut-il me donner sa source?
    – Merci pour le rappel précis du vote de chaque île lors du référendum sur l’indépendance de décembre 1974. Mais que dire des résultats dignes d’un parti unique aux 3 îles comoriennes “99,98 % pour l’indépendance en Grande-Comore (89215 inscrit⸳es), 99,93 % à Anjouan (61406 inscrit⸳es) et 99,92 % à Mohéli (6351 inscrit⸳es), mais 36,78% à Mayotte (17946 inscrit⸳es)” ? Rien d’anormal? Malgré des conditions socio-économiques différentes, Anjouan, la Grande Comore et Mohéli ont voté chacune à plus de 99% ? Qui peut croire à cela? Comment détourner le regard de cette parodie de démocratie, organisée par l’Etat Français du côté des Comores ?
    – Christian écrit encore “Pour entériner cette occupation la France a « départementalisé » Mayotte, sans y mettre les moyens qui auraient peut-être permis aux Mahorais⸳es d’atteindre le même niveau de vie que les hexagonaux.” La départementalisation a précisément été votée, en 2009, à plus de 93% par les mahorais pour obtenir l’égalité des droits et des devoirs avec les autres départements français. Par essence, un nouveau recul conséquent et indiscutable de ce qui restait de “colonialisme” et d’ “occupation”.
    – Puis en guise de conclusions: “Le colonialisme … est au coeur de l’extrême gravité de ses conséquences” (du cyclone) . Il n’y a eu aucune démonstration convaincante précédant cette affirmation. Un peu court, jeune homme 🙂

    Les problèmes de fond de cet article:
    – il ne parle à aucun moment, sauf à la fin de la population, des mahorais. Pourquoi? Ne faut-il pas respecter le droit des peuples à l’autodétermination? Dont en l’occurrence celui de Mayotte? Malgré tous ses points communs culturels avec la population des Comores, Mayotte n’a historiquement partagé une même structure institutionnelle avec les autres îles que de 1948 à 1976. En tant que Territoire d’Outre-Mer, soit 28 ans seulement et sous l’égide du colonialisme, précisément!
    L’autodétermination y est encore oubliée en ce qui concerne les comoriens, justement. Après le score de plus de 99% obtenu dans chacune des trois îles comoriennes, deux d’entre elles, en 1997 soit seulement 22 ans plus tard, s’insurgent et demandent leur rattachement à la France. Ce n’est qu’en 2001, que sous la menace des armes, Anjouan revient dans l’Union des Comores… Comment penser que ces acteurs, dont la plupart étaient majeurs en 1975, avaient vraiment voté pour l’indépendance?
    Bien que les archives nationales ne soient pas encore ouvertes, 50 ans après, une autre hypothèse doit être soulevée. Les gaullistes, la droite dans son ensemble et une fraction de la SFIO n’ont jamais approuvé l’idée d’une égalité de vote entre la métropole et les Outre-Mers. De Gaulle, questionné sur la possibilité de proposer à l’Algérie l’égalité de droit de vote, s’était écrié: ” Je ne veux pas de 50 bougnoules à l’assemblée!” selon Alain Peyrefitte. De fait, arrivé au pouvoir, il décida de l’indépendance rapide de toutes les colonies, quel que soit leur niveau de développement, dont celui de l’instruction d’un minimum de leurs compatriotes. C’est ainsi que plusieurs futurs chefs d’Etat demandèrent à ne pas devenir indépendants si tôt: ceux de Centrafrique, du Niger, … Mais la Françafrique se développerait mieux avec des Etats faibles et déendants de Paris, sans poser le moindre risque de métissage à l’assemblée… L’indépendance leur fut donc imposée.
    Messmer avait quitté le pouvoir en mai 1974, et Giscard n’avait dû son élection qu’à la scission de l’aile droite de l’U.D.R., menée par Chirac, partisan décomplexé de la Françafrique et admirateur de Foccart qu’il écoutera jusqu’à sa mort. Les états d’âme de Giscard sur Mayotte et les Comores ne faisaient pas le poids face à l’armée et aux deux factions de l’UDR. Il a été décidé de se débarrasser des Comores tout en gardant une île pour des raisons stratégiques évidentes. Les perdants de l’histoire ont été les comoriens, pas les mahorais, comme l’histoire l’a montré. Le niveau de vie moyen entre les deux va à présent de un à neuf, ce qui explique les migrations, alors qu’à l’indépendance, toutes les îles étaient comparables, avec un léger avantage pour la Grande Comore. Pour les mahorais, le débat est clos. Plus personne sur l’île ne se risque à tenir le moindre propos indépendantiste, au point que l’état d’esprit collectif est de se refuser à s’opposer frontalement à Paris. La mauvaise humeur locale est à attribuer au piétinement de la départementalisation, toujours pas appliquée 16 ans après le référendum local et 14 ans après être passée dans la loi française. Ce n’est pas au colonialisme que les mahorais en veulent, ou en ce cas ils en demandent encore plus 🙂 !
    Les Mahorais veulent passionnément rester Français plutôt que devenir comorien, ce qu’ils n’avaient en fait jamais vraiment été, institutionnellement parlant. C’est un fait. J’invite Christian et nos lecteurs à discuter avec des mahorais pour le vérifier.
    Le slogan de colonialisme appliqué à Mayotte est inexact:
    – les autochtones votent à toutes les élections, locales ou présidentielles, avec un vote de poids égal à celui des métropolitains,
    – les élus locaux sont tous mahorais , des maires ou conseillers régionaux jusqu’aux députés et sénateurs,
    – l’entité de colon serait bien difficile à définir , tout autant que les personnes physiques l’incarnant. L’île ne compte que 8% de métropolitains, ultra-majoritairement dans la fonction publique: santé, éducation, forces de l’ordre.
    Pire, ce mot colonialisme est très mal perçu des mahorais eux-mêmes:
    – il leur rappelle le désir de la gauche des années 70 de les renvoyer aux Comores
    – il leur signale qu’ils ne sont pas les décideurs, voire qu’ils sont manipulés, ce qui les irrite car passe pour une forme de mépris.
    Ce qui précède aide à comprendre que Mayotte soit le seul DOM à voter autant à droite, alors que sa situation sociale devrait le pousser au contraire à être en pointe dans la volonté politique d’égalité. Sanders avait dit de l’échec de Kamala Harris: “Quand le parti démocrate tourne le dos aux travailleurs, ceux-ci lui tournent le dos”. Il nous suffit de remplacer “le parti démocrate” par “la gauche française” et “le peuple” par Mayotte pour comprendre la relative homogénéité du vote sur l’île. Chaque militant de gauche qui s’exprime publiquement en ces termes est non seulement dans l’erreur factuelle, mais plus grave il tape à nouveau sur le clou de l’aversion pour la gauche ressentie dans l’île.
    Le Nouveau Front Populaire, dans son programme prône un renforcement conséquent de cette égalité en droits pour Mayotte. Ces mesures sont exhaustives: alignement des minima sociaux sur la métropole (SMIC, RSA, allocations familiales,..), création d’autant d’écoles que nécessaire (malgré la démographie de l’île, Macron a bloqué toute nouvelle construction d’écoles depuis son arrivée au pouvoir), etc.. Sans prononcer une seule fois le mot de colonialisme, idée clairement abandonnée par les rédacteurs du programme.
    Aux législatives de 2024, le candidat de Lutte Ouvrière, réunionnais d’origine, a fait une belle et courageuse campagne dans la première circonscription. Pas une seule fois il n’a prononcé ce mot.
    Je conseille à ceux qui s’intéressent à ce thème de venir dans ce département, discuter avec les gens. Ou a minima de le faire avec des mahorais en métropole. Sinon de lire ce livre, écrit par un anthropologue qui a travaillé et vécu pendant 8 ans sur Mayotte: “Mayotte ou le gouvernement des marges , une situation post-coloniale”. C’est le travail le plus fouillé de tout ce qui est sorti sur l’île depuis longtemps.
    Le vrai débat est là. Rattraper le retard pris depuis plus de dix ans pour donner l’égalité des droits et devoirs de métropole aux mahorais ou le refuser, en utilisant la technique du bouc-émissaire, le sans-papiers? Appliquer le programme du Nouveau Front Populaire pour Mayotte permettra dans la foulée d’améliorer notablement le sort des sans-papiers. Bref, l’horizon à moyen terme de la gauche locale.

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