L’essentiel c’est de se parler (se comprendre). Voici bien qui fait question. Derrière les mots leur évolution, ne se cache-t-il pas des idées, des façons de voir au delà des façons de dire? Deux articles abordent ce sujet, la sémantique fausse neutralité. Des changements de sens qui disent parfois des changements du sens.
Sorti·e·s de ce remue-méninges vocabulaire et de son double, en écho au « Social à l’écran » du précédent numéro de Cerises, Lara Croft se rappelle à notre bon souvenir.
L’émancipation entre sens et imaginaire(s).
DES MOTS POUR LE DIRE OU DES MOTS POUR NE PAS POUVOIR LE DIRE
Le langage est-il le reflet neutre de la réalité ?
Le mot « entreprise » : il mêle aussi bien la petite entreprise de 10 salarié/es que Total comme si leurs réalités étaient identiques. Le mot « emploi » : il permet un rapport de dépendance : il y a les employeurs et les employé/es. Essayez de faire ça avec le mot « travail ». « L’assistanat » recouvre tout ce que la collectivité doit à chacun/e de ses membres. « Réalisme » ? Synonyme d’impossible. « Nation », c’était autrefois « celles et ceux qui étaient là » depuis Napoléon III, c’est le creuset de la nationalité… et du nationalisme. « Radicalité » c’est affronter un problème… à la racine et en se servant de l’intégrisme c’est devenu fanatisme… Etrange comme ça arrange toujours les mêmes.
Depuis quelques temps (web aidant) au nom d’être plus pratique, on tend à substituer de l’anglosaxonisation (anglicismes ou américanisation ?) au vocabulaire français. On broad-cast plus qu’on ne télécharge. On peut réagir à … facebook par des like et pas par j’aime. On débrief plus qu’on ne fait le point ou on fait un brainstorming. On est geek plus qu’accro à Internet. On a des flyers… moi j’avais des tracts. Coach plus qu’entraîneur – tellement plus rapide. Et : Check-up ; manager et management (tient ? Ce n’est plus patron ? ; burn out ; etc…
Est-ce une simple évolution ?
Le cinéaste indien Satyajit Ray dans ses films des années 50 et 60, au sortir de la colonisation britannique, montre des familles de lettrés qui, lorsqu’elles ont des choses importantes ou savantes à se dire ne trouvent que des mots anglais pour le faire. En 1946 le plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe avait été plaidé devant le Sénat américain disant qu’ainsi la culture américaine pourrait modeler la manière de penser : « transférer the american way of life ».
Je ne fais aucun repli patriotard sur nous. Aucune civilisation ne peut vivre en vase clos (l’algèbre nous vient des arabes ainsi que l’usage du zéro). Mais là, il s’agit d’autre chose : le vocabulaire exprime toujours au-delà des mots une ambiance qui sert de référence : citoyen/ne (électeur/trice ? Français/e, ou maitrisant son devenir ?; égalité devant la loi ? ou de toute la société ? ; personnalité : renom ? ou affirmation de soi en toute occasion ?, Sécurité Sociale une administration ? ou la collectivité qui s’auto-assure ?… Avec « l’aglosaxonisation » à travers le caractère impérialiste culturel se cache une bataille de sens. En prendre conscience, c’est investir un terrain d’affrontement et se considérer producteur(trice) de sens commun.
Pierre Zarka
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