À bien des égards, la dissolution de l’Assemblée nationale s’est apparentée à un séisme aux répliques nombreuses et durables. L’organisation des pouvoirs et des contre-pouvoirs, déjà bousculée par des années de choix néolibéraux et de plus en plus intolérants à toute forme d’opposition, a dû rapidement s’adapter. Au sein des partis de gauche, elle a débouché sur une alliance électorale inespérée au vu de leurs différends, tant de forme que de fond. Par ailleurs, de nombreuses organisations du mouvement social, dont certains syndicats, se sont positionnés en faveur du Nouveau Front Populaire, faisant face à une situation politique inédite depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Les résultats des élections législatives sont connus. Si le soulagement est légitime de voir l’extrême droite empêchée, pour le moment, d’accéder au pouvoir, il ne peut occulter le fait qu’elle s’est renforcée et qu’elle bénéficie d’une dynamique, pour plusieurs raisons. Dans 1, 2 ou 3 ans, les prochaines élections, présidentielles et/ou législatives, seront décisives. Pour le mouvement social et syndical, qui a globalement su être à la hauteur des enjeux, le défi est donc immense.
Ces résultats sont en effet préoccupants. Depuis 2022, le RN a gagné plus de 2 millions de voix… Entre le 1er et le 2ème tour, l’extrême droite a progressé, sachant au surplus qu’elle n’était pas présente dans toutes les circonscriptions. Du côté du Nouveau Front Populaire, le nombre de voix a baissé, tout comme le résultat en pourcentage. Enfin, « Ensemble » a progressé. Les désistements, les appels (incomparablement plus clairs du côté du Nouveau Front Populaire qu’au sein des autres mouvements), la carte électorale (les circonscriptions) et l’action de la société civile tout comme du mouvement social ont permis de reléguer l’extrême droite à la troisième place. Ils ont permis d’importants reports de voix d’électeurs/électrices de gauche, qui se sont ainsi montrés plus « républicains » qu’au sein de la droite. L’électorat n’a donc pas voulu de l’extrême droite. Pour autant, le centre de gravité de l’Assemblée nationale ne s’est guère déplacé à gauche.
Une période sensible s’ouvre. Ni le Nouveau Front Populaire ni Ensemble, qui ont été des « bannières » et non des partis et encore moins un engagement à former un groupe parlementaire unique, ne peuvent prétendre gouverner seul vu le nombre de leurs élus.es. Les tractations en vue de la constitution des groupes au sein de l’Assemblée nationale mériteraient un regard approfondi et une analyse plus fouillée. Pour le mouvement social, les répercussions seront également importantes.
Offrir un espoir dans un contexte de défiance à l’égard des institutions, des partis politiques et des organisations syndicales est en effet tout sauf simple. Y répondre est toutefois vital pour empêcher l’extrême droite d’arriver prochainement au pouvoir et pour l’affaiblir durablement. Il est essentiel pour le mouvement social de faire vivre ses propres analyses, actions et positionnements, de convaincre les salariés.es de leur pertinence, en assumant de les faire valoir dans le débat public et de peser sur l’orientation des partis se déclarant de gauche. La période l’a montré : il y a un besoin d’unité : faire valoir tout ce qui rassemble est donc décisif. Et ce, quelle que soit la politique du prochain gouvernement. En tant que tel, le mouvement social a un rôle majeur à jouer.
Vincent Drezet, porte-parole d’Attac
A lire également
Quid de l’organisation révolutionnaire ?
Le conflit pour faire démocratie
Rennes, une citoyenne à la mairie