Au retour des manifestations contre les méga bassines qui se sont déroulées à Sainte-Soline en mars 2023 les 6 enseignants-chercheurs, qui forment le collectif du Loriot, découvrent sur les chaînes d’informations en continu les récits que les médias font de ce qu’ils ont vécu et partagé avec 30 000 manifestants et manifestantes. Des échanges qu’ils instaurent durant les semaines qui suivent avec leurs étudiants, naît une conviction profonde : ce qu’il s’est passé à Sainte-Soline doit être raconté par celles et ceux qui y étaient. Avoir 20 ans à Sainte-Soline laisse ainsi la parole aux « jeunes », trop souvent délégitimés dans leurs luttes, désignés comme « radicaux », dépolitisés, écoanxieux. Une dizaine de personnes, âgés de 19 à 27 ans, témoignent ici de ce qui les a poussé à se rendre à Sainte-Soline et illustrent la diversité des profils et des pratiques militantes.
En parallèle de ces portraits, le livre propose des photographies, des slogans et des textes de sociologues, philosophes, juristes, journalistes. Sont aussi représentées des associations comme La Ligue des Droits de l’Homme, Les Soulèvements de la Terre, Bassines Non Merci, les Naturalistes de la Terre, Nourrir, etc. ainsi que des militants d’autres générations qui prennent la plume et dévoilent un tout autre pan de ces événements : entre-aide des manifestants, transmission intergénérationnelle, organisation des cortèges, cantine commune, musique et fanfare… des éléments non relayés par les médias dominants. Plus encore, ces récits et analyses soulignent le contexte de violence étatique et institutionnel auquel ont été confrontés les trois cortèges, à des degrés divers. « On ne pouvait pas accepter que l’État ait décidé que ce trou allait être protégé au péril de la vie ». 5 000 grenades, GM2L (lacrymogène), GENL (grenade à éclat non létaux) et ASSD (grenade assourdissante) en une journée, des blessés graves que les medics peinent à soigner faute d’accès des secours au site, des syndromes post traumatiques généralisés à venir et très vite ensuite, une nouvelle violence symbolique de l’Etat et des médias. Pourtant, les témoignages sont unanimes, loin de l’abattement et de la peur, cette démonstration de force n’aura découragé personne et laisse place à de nouveaux horizons de la lutte contre l’accaparement des ressources : « Ça donne encore plus envie de se battre. »
Noémie Brun
Avoir 20 ans à Sainte-Soline, Collectif du Loriot, Paris, La Dispute, 2024, 240 pages, 20 euros.
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