Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Une alternative écologique peut-elle ignorer le travail ?

La problématique support au dossier du mois interroge nos représentations, souligne la nécessité de dépasser le capitalisme, de sortir des logiques productivistes, consuméristes pour construire une alternative et espérer conserver une planète o% l’humanité puisse encore vivre. Et de nous interroger sur notre capacité à construire cet avenir commun et désirable, à faire émerger les luttes et les rapports de force nécessaires à la dimension de la planète, sur notre capacité à passer du local au global et d’imaginer la démocratie qui va avec.

    1. La planification écologique pour sortir de la religion du marché

Une évidence s’impose, le marché et l’idéologie libérale qui va avec sont incompatibles avec ces enjeux. Le libéralisme étant devenu une forme de pensée théologique, le marché une figure de dieu digne de foi et tout-puissant, avec ses prophètes et ses commandements, dont « la main invisible » répondrait à tout ! Avec comme alternative la construction d’une planification écologique dont les effets porteront à la fois sur nos modes de production et sur nos modes de consommation, en natures et en volumes.

Si l’alternative écologique exige de sortir du marché par la planification, il reste encore à s’accorder sur les moyens et les actions à mettre en œuvre, dans un cadre démocratique encore inexistant, notamment en ce qui concerne la production et l’industrie nécessaires à notre vie en commun.

Réaliser cette alternative, qui est tout sauf une transition compte tenu des transformations à conduire, passera aussi par une transformation des organisations du travail au sein des structures industrielles existantes pour faire face aux enjeux complexes auxquels nous sommes confrontés. Réussir ces transformations nécessitera de mobiliser des femmes et des hommes autour d’enjeux industriels, que l’on pense à la décarbonation de la production de nos ressources, de l’énergie… Réussir ces transformations nécessite aussi de reconstruire des services publics mis à mal par des décennies de libéralisme – qu’on pense à l’état de la santé, de l’école, des transports… – et de le faire alors que le temps vient à manquer.

    1. Le libéralisme est-il compatible avec la complexité ?

La place et le rôle du travail humain, donc celle des salarié-es, est une question centrale. Elle a été mise à mal par plusieurs décennies de libéralisme, par la domination d’une vision de l’entreprise calquée sur des principes managériaux renvoyant le travail humain à une prestation qu’on achète ou que l’on vend, indépendamment des conditions dans lesquelles elle est réalisée. Une conception qui ignore le travail réel mis en œuvre par les humains, qui ignore l’action pour les seuls résultats mesurés par des indicateurs et des tableaux de bord ! Une conception visant à réduire le coût du travail, à affaiblir les résistances par la multiplication des niveaux de sous-traitance et des statuts des salariés.

Avec pour conséquence le mal-travail, la perte de sens, le désengagement et la fuite pour ceux qui le peuvent, la souffrance pour les autres. Mais avec une autre conséquence, l’effondrement des systèmes industriels et la difficulté, voire l’impossibilité, de faire face à la complexité. Tout ne peut se réduire ou être réalisé par une start-up ! L’échec de Boeing, avec la multiplication des accidents impactant la sûreté des vols, avec l’immobilisation de centaines d’avions et la menace pesant sur la firme elle-même, est exemplaire de cette situation. La production d’avions sûrs ne peut se résumer à une succession d’activités définies par les procédures car ce qui se joue entre les lignes des procédures c’est l’action du travail réel qui est lui propriété des travailleur-euse-s, de l’ingénierie à la ligne de production et réciproquement.

    1. Réussir l’alternative écologique passe par l’engagement collectif

Engager l’alternative écologique nécessite donc d’inventer une nouvelle démocratie, mais cela exige aussi de penser la démocratie au sein de la production, de penser la capacité des salariés à agir sur les organisations comme sur la finalité de leur travail, et donc de penser leur statut de producteur-rice. C’est  aussi la condition pour les impliquer dans l’alternative écologique, une implication essentielle compte tenu des transformations à réaliser et de leur urgence.

Nous ne partons pas de rien, les statuts de la fonction publique, des électriciens et gaziers, celui des cheminots n’ont-ils pas aussi été conquis par l’urgence de la reconstruction ? Et n’ont-ils pas permis la mobilisation nécessaire des salariés parce qu’ils contenaient des outils permettant la reconnaissance et l’expression du travail réel ? N’aurions nous pas nécessité à nous re-pencher sur ce qui, en assurant un statut aux salarié-es, assurerait aussi un statut et une place au travail vivant ?

Cet article fait partie du dossier :

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