Culture.

PArce qu’on ne peut pas s’émanciper sans aile !


Jean RISTAT (1943-2023)

C’est Jean Ristat qui m’a accueilli lorsque je suis allé remettre sa carte du Parti à Louis Aragon en 1980. En effet, à l’époque, j’étais militant dans le 7ème arrondissement de Paris et Aragon habitait rue de Varenne. Je garde un souvenir ému de son accueil. Il m’a offert un thé et m’a fait visiter son immense bibliothèque. J’étais subjugué ! Je me suis demandé qui était Jean Ristat et un camarade de la section m’a dit qu’il était poète, fondateur de la revue Digraphe, créée en 1974. J’ai appris bien plus tard qu’il était aussi le compagnon d’Aragon et qu’il avait été désigné par lui son exécuteur testamentaire. C’est ainsi qu’il a assuré le règlement de sa succession. Fidèle aux dernières volontés d’Aragon, il a notamment remis ses manuscrits au CNRS.

A l’âge de 22 ans, Ristat publie en 1965 son premier ouvrage : « le lit de Nicolas Boileau et Jules Verne », sur lequel Aragon, dans les Lettres Françaises, ne tarira pas d’éloges. Durant cette période, il fréquente Aragon, Derrida, Francis Ponge et prendra ainsi sa place dans la poésie française.

Sortie en 1978 « Ode pour hâter la venue du printemps » a attiré l’attention. L’entrée en matière de cette œuvre est le fameux « Camarade, ne mets pas l’amour en prison ». L’idée ? Faire reculer l’homophobie y compris dans le Parti Communiste. 

Il a relaté les années passées aux côtés d’Aragon en 2003, avec Francis Crémieux (Avec Aragon, chez Gallimard), puis en 2019 avec Olivier Barbarant (Impair et passe, Manifeste).

En 1989, il ressuscite Les Lettres Françaises, périodique culturel créé à l’initiative de la Résistance communiste en 1942 et dirigé par Aragon de 1953 à 1972, date à laquelle le journal est contraint de cesser sa parution. D’abord supplément de Digraphe, la revue paraît bientôt en kiosque de manière indépendante. Ambitieux sur le plan culturel, les Lettres Françaises, sur fond de pandémie du VIH, entreprennent un rapprochement avec l’équipe de Gai Pied, magazine homosexuel lancé en 1979. A ce moment-là, Gai Pied disparait et Les Lettres françaises deviennent le « journal des sexualités plurielles » avant de disparaître à leur tour. 

Ristat a également été le secrétaire perpétuel de la Maison Aragon/Triolet à St Arnoult en Yvelines qui est devenue un lieu culturel ouvert au public à partir de 1994. Il a été par ailleurs président de la Société des amis de Louis Aragon et Elsa Trioletdepuis 2010. 

Pour conclure, je reprendrai les propos de Josette Pintueles : « cette complexité des rapports Aragon/Ristat est emblématisée par la métaphore du valet de cœur1 dans « Lord B » : Ristat comme valet de cœur, figure aimée d’Aragon (le cœur) mais valet tout de même… »

Daniel Rome

  1. Je remercie Josette Pintueles qui a rédigé dans le dictionnaire « Aragon » la notice concernant Jean Ristat et qui m’a autorisé à reprendre quelques éléments de cette notice
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