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Deux peuples pour un État – Relire l’histoire du sionisme

Né en 1946 en Autriche, Shlomo Sand a émigré en Israël avec ses parents à l’âge de 7 ans. Il milite pour qu’Israël devienne un Etat laïque et démocratique pour tous ses citoyens, et non un Etat Juif qui élimine tous les non-juifs de la citoyenneté.

Il a écrit notamment « Comment j’ai cessé d’être juif » en 2013 et surtout « Comment le peuple juif fut inventé » en 2008, ouvrage dans lequel il met en doute le mythe de l’exil fondateur du peuple hébreu, expulsé de Palestine, et défend la thèse d’un peuple constitué des nombreuses conversions en Afrique du Nord, en Europe du sud et au Moyen Orient. Il y interroge les notions de Nation et d’identité juive.

L’ouvrage « Deux peuples pour un Etat » explique que la réalité en Palestine est binationale mais que les palestiniens sont sous la domination des Israéliens. S’il a longtemps cru à la possibilité de deux Etats et d’une confédération de deux Républiques, Schlomo Sand pense aujourd’hui que ce n’est plus possible et préconise un Etat binational « il n’y a pas d’autre solution ».

Il s’appuie pour défendre cette thèse sur une relecture de l’histoire du sionisme extrêmement documentée, qui est plus une histoire de la pensée que des faits et évènements. On peut y remarquer la succession de débats : sur l’identité juive et la construction d’un Etat juif ; plus récemment face aux intifadas et volontés d’indépendance des Palestiniens ; sur les moyens d’une paix durable avec les voisins arabes. Il aborde aussi l’importance de l’idée de binationalisme non seulement dans l’alliance pour la paix en 1925, mais aussi chez M. Buber en 1923, chez H. Arend, chez L. Magnes en 1940 et l’association Ihoud et dans une moindre mesure chez les Arabes, sauf dans la période récente (1990-2020) par de grands intellectuels comme E. Said, M. Darwich et H. A. Shafi. Mais, écrit joliment Shlomo, « On ne peut applaudir d’une seule main ».

Quelques grands moments de cette histoire du sionisme révèlent que beaucoup d’occasions de résoudre le problème de coexistence de deux peuples ont existé, mais que les oppositions ont été plus fortes que les propositions des mouvements pour la paix ! Les mouvements sionistes de droite purs et durs  défendent la terre des ancêtres fondée sur une conscience nationale juive (qui a émergé bien avant une conscience nationale arabe ou palestinienne). Ils ont toujours existé et sont notamment représentés aujourd’hui par le mouvement de colonisation qui ne cesse de se développer, création de l’université Ariel comprise, qui est interdite aux palestiniens vivant à proximité. Ils sont soutenus par le gouvernement actuel «ce  qui risque de  déclencher un embrasement généralisé et un énorme cataclysme » écrit Shlomo, avant le 7 octobre. 

 Entre 1880 et 1921 les juifs arrivent « en terre conquise, expulsant les arabes de leurs terres. Dès 1923, le mouvement pour la paix propose un Etat binational et s’oppose à Jabontinsky et son projet d’ une « muraille d’acier ». Celui-ci défendait un nationalisme juif, à l’instar de la montée des nationalismes européens du XIXeme siècle.

En 1947, une commission de L’ONU défend aussi l’idée d’un Etat binational. Mais  Ben Gourion  s’y opposera.

Les années 50 voient reculer l’idée binationale, même si l’action sémite défend l’idée d’un Etat arabo-hébraïque, et les chartes – palestinienne d’une part et hébraïque d’autre part – la  souveraineté de deux nations et un Etat laïque.

A gauche même, la question juive divise, prise entre une idée de fraternité entre les peuples et les marxistes sionistes. 

Pour conclure, Shlomo parle « d’alternatives imaginaires », ce qui donne la mesure de son optimisme : « Quatre propositions sont avancées pour barrer la route aux catastrophes qui se profilent : deux Etats pour deux peuples, une confédération d’Etats souverains, un Etat démocratique et laïque, et un Etat fédéral et binational ». Ce dernier, comme au Canada, en Belgique, en Irlande ou en Afrique du sud, aurait sa préférence mais « il faut arracher la muraille de haine édifiée sur un amas de peurs afin de nous permettre de vivre ensemble ».

Bénédicte Goussault

Deux peuples pour un État ? Relire l’histoire du sionisme, Shlomo Sand, Traduit par : Michel Bilis, Editions du Seuil, Janvier 2024, 21 euros, 256 pages

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