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Zone d’interêt

Zone d’intérêt n’est ni « glaçant » – le mot à la mode – ni un film sur la Shoah puisqu’il ne montre l’horreur des camps que d’une manière allégorique : les cris, la fumée. Ce film est beaucoup plus fort que n’importe quelle représentation artistique du Mal. Par sa non-représentation, le spectateur est immergé dans le Mal. Dans les fleurs du si joli jardin de la grosse bécasse qu’est la femme du commandant du camp, dans le manteau qu’elle enfile et qui vient tout droit d’en face, dont le mur est recouvert d’une vigne naissante, dans les bons légumes enrichis par la cendre des fours, par la répétition du salut hitlérien du petit garçon avant de partir à l’école. La question est de savoir si on peut représenter dans une œuvre d’art, ici un film, le Mal absolu que fut la Shoah et s’il n’est pas plus humble de la part du cinéaste de ne pas le représenter. Les survivants de la Shoah ne voulaient pas parler de ce qu’ils avaient vécu parce que c’était au-delà de toute représentation humaine. Des documentaires peuvent montrer l’ampleur du Mal parce qu’ils utilisent les archives. Toute mise en garde, tout discours pathétique du “plus jamais ça” ne sont-ils pas de vaines tentatives alors que le monde est à feu et à sang, que l’Autre reste toujours celui qu’il faut abattre ? La seule lueur d’espoir de ce grand film : le départ impromptu de la mère, qui a compris ce qui se passe derrière le mur. 

Jacqueline Dérens

Zone d’interêt, Sortie le 31 janvier  2024, 1h45, Drame de Jonathan Glaser, avec Sandra Hüller, Christian Friedel 

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