Si la politique est l’affaire de toutes et tous, on ne peut que constater qu’elle semble de moins en moins investie par celles et ceux qui font tourner la société par leur travail. Ouvriers et ouvrières dans la production ou la logistique, employés-es des administrations, de la sécurité sociale et des entreprises, personnels des établissements médicaux et médico-sociaux, agents-es des transports, des télécommunications, de la Poste, agents de la culture, de l’art et du spectacle, etc. Le constat est clair et la question du pourquoi peut mener à des réponses diverses. Concentrons-nous sur une proposition pour ramener ces travailleuses et ces travailleurs vers l’action politique.
Le syndicalisme est un outil essentiel. Il propose de se mobiliser sur les questions les plus immédiates, « le carreau cassé » comme l’imageait Henri Krasucki. Ce sont bien ces problématiques directement palpables par tous les collègues directs qui permettent de mettre en évidence l’exploitation commune que l’on vit sur un lieu de travail. C’est ce qui peut permettre finalement de « faire classe », de se reconnaître dans notre position d’exploités, d’enclencher une lutte collective, à si petite échelle que ce soit. Ça peut commencer par une pétition commune, par une visite collective à la direction, par un court débrayage. Dès lors que l’on crée la possibilité d’aller ensemble sur une revendication, on commence ce travail de reconnaissance, et donc d’émancipation collective et non individuelle. Le syndicalisme est un outil d’autant plus indispensable à l’heure où l’individualisme a été porté au rang de valeur universelle. Les propositions libérales pour s’émanciper, se libérer, sont nombreuses : développement personnel, sport, méditation, communication non-violente… Et là où ces propositions peuvent apaiser individuellement, elles ne constituent jamais de réelles voies d’émancipation.
Mais il faut également regarder en face cette proposition du syndicalisme. Aujourd’hui, les structures syndicales sont moins adaptées aux évolutions du capital. Le recours accru à la sous-traitance, les ouvertures à la concurrence dans les secteurs des anciennes entreprises à monopole d’état, la multiplication des statuts précaires, sont autant d’éléments qui ont atomisé les collectifs de travail. Quand, sur un chantier de construction, il y a 15 entreprises employeuses différentes et 7 statuts différents de travailleurs, les fossés paraissent infranchissables. Et pourtant, pour tendre la main aux plus précaires, aux plus éloignés des organisations syndicales, il faut créer des ponts pour franchir ces fossés. Sortir du modèle des syndicats d’entreprise en serait un premier. Développer les structures interprofessionnelles que sont les Unions locales en serait un autre. Les Unions locales peuvent être de véritables îlots de stabilité syndicale dans l’océan déchainé des dérégulations du monde du travail. Il faut les préserver, les construire, les reconstruire, les développer, pour que chacune et chacun puisse trouver le chemin de l’organisation collective.
Adèle Tellez,
syndicaliste à la CGT
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