Par manque d’analyse sur le long terme de ce qu’était le néolibéralisme à l’œuvre, la Gauche politique et syndicale a été en difficulté sur le terrain de la défense des services publics. En toile de fond, une social-démocratie européenne complètement acquise au néolibéralisme (Mitterrand, Rocard, Jospin, Hollande) qui a brouillé les pistes. Beaucoup de collectivités territoriales ont essayé de colmater les brèches quand « le navire commençait à prendre l’eau » (réduction des moyens pour assurer un service public de qualité), sans penser que les choix retenus étaient un pansement sur une jambe de bois (délégation de service public, partenariat public/privé).
Le néolibéralisme est une conception politique et idéologique de la société de l’économique à l’intime qui est globalisante. Dès le milieu des années 80, les services publics ont subi l’assaut des néolibéraux qui, depuis 1945, n’avaient pas baissé les armes. La dominante keynésienne était, dans un fondu-enchainé, remplacée par cette nouvelle logique qui considère que l’État – au sens large du terme – doit être géré comme une entreprise selon les principes du profit maximal et de la libre concurrence. La construction européenne a évolué au service de ces choix avec notamment le traité de Maastricht, la monnaie unique et le traité de Lisbonne.
Au fil du temps, sous couvert de réduire le montant des prélèvements obligatoires sans mener une politique fiscale qui vise un meilleur partage des richesses, on a réduit le nombre de fonctionnaires ; les entreprises publiques ont été ouvertes à la concurrence dans des secteurs d’activité qui exigent un quasi-monopole (car le marché production/distribution ne peut pas être partagé) pour que l’entreprise puisse faire les investissements nécessaires comme l’énergie ou le transport ferroviaire. On assiste peu à peu à une dégradation du service public et à des modes de gestion qui visent le profit le plus élevé. Le management est une catastrophe pour les salarié.e.s et produit beaucoup de souffrance au travail, car l’objectif affiché est d’augmenter les gains de productivité quoiqu’il en coûte ! Depuis 3 ans, on constate une grande difficulté de recrutement car ces emplois ne sont plus attrayants. Et ce n’est pas en supprimant les régimes spéciaux ni en repoussant l’âge de départ à la retraite que les choses vont s’améliorer. Ces choix ont des conséquences très négatives pour la fraction de la population la plus précaire, qui a un besoin impérieux des services publics pour ne pas sombrer dans la pauvreté et la relégation. C’est le cas des transports pour assurer la mobilité, mais aussi d’organismes comme pôle emploi ou encore l’école et l’hôpital. Les conséquences sont une immense fracture sociale entre la France des laissés pour compte, des invisibles, et la France qui a les moyens de contourner les déficiences des services publics.
Cette fracture a engendré le mouvement des gilets jaunes. Il est donc impératif et urgent de donner un second souffle aux services publics en moyens humains et financiers.
Cette fracture a également engendré la désespérance, poussant un nombre important de nos concitoyens à l’abstention ou à voter pour l’extrême-droite.
Le principe même d’un service public est d’échapper aux puissances d’argent pour en faire un bien commun. Il y aurait quelques pistes à explorer.
- Revoir considérablement la politique fiscale et mettre à forte contribution la fraction la plus riche de la société.
- Envisager une construction politique qui implique pleinement les citoyens dans les choix et dans la gestion des services publics.
Nous voulons une République sociale et démocratique et cela commence par les services publics !
« Le théâtre est une nourriture aussi indispensable à la vie que le pain et le vin. Le théâtre est donc au premier chef un service public. Tout comme le gaz, l’eau et l’électricité ». Jean Vilar
Daniel Rome
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