Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Anticapitalisme et engagements multiples

Il est fréquent lorsque l’on évoque l’anticapitalisme que nombre de celles et ceux qui agissent, redoutent que l’on noie la cause qui les identifie à leur engagement. Il est vrai que dans l’histoire du mouvement ouvrier a dominé une hiérarchisation des combats, souvent au détriment de ce qui n’était pas directement le rapport travail/capital. Pire, il est arrivé que des combats soient perçus comme gênant le combat général. 

Face aux échecs du passé, la volonté de préserver la maîtrise de son engagement et l’identité collective qu’il produit, peut déboucher sur des phénomènes de replis et d’éparpillement des luttes. N’y a-t-il pas un certain renoncement à vouloir réorganiser l’ensemble de la société ou à limiter cette réorganisation à son « territoire » ?  

Le capitalisme est un entrelacs
de rapports de dominations et de ségrégations

Ces 2 approches ont de fait pour point commun de considérer le capitalisme uniquement sous sa dimension économique. Or le capitalisme est un entrelacs de rapports de dominations et de ségrégations. 

Pour les progressistes, le risque est de se pencher vers plus malheureux que soit, avec un côté charité et condescendant. En quoi suis-je concerné par le féminisme et l’antiracisme ? Je ne serai jamais ni femme ni africain. Nous sommes des êtres sociaux. Je suis ce que je suis et aussi ce que je ne suis pas. Il y a entre nous une interdépendance de devenir. Le sexisme et le racisme m’amputent de parts de mon réel. Ils tentent de rendre « tolérable » la cascade de dominations que je subis : j’ai quelqu’un en dessous de moi. C’est la consolation du « petit blanc » dans les pays colonisés. L’apport des femmes au combat de classe a été de ne pas nous limiter au partage des richesses et d’inclure les rapports de domination comme fondamental. Ce qui a fondamentalement manqué au soviétisme. L’apport des migrants et enfants de migrants : l’exigence d’égalité dans l’inclusion des différences. Qu’est-ce qu’un peuple si ce ne sont celles et ceux qui dégagent un sort commun ? Et de ce fait on cerne mieux qui n’en fait pas partie : les exploiteurs. L’apport de l’écologie est de souligner combien la course au profit menace l’humanité. En France 4 entreprises du CAC 40 émettent 3 fois plus de CO2 que l’ensemble des habitants.

La crise dit l’incapacité du capital à se reproduire avec ce qu’ont été les importantes victoires sociales du XXème siècle. Le travail humain de plus en plus qualifié, son coût, la soif de démocratie et de reconnaissance de soi que cela génère, le renouvellement de plus en plus rapide des machines le mettent en péril. Le capital a besoin financièrement d’inégalités de traitement et politiquement de morceler le mouvement populaire. Comme il a besoin de piller la nature. Aucun combat se suffira à lui-même sans participer à son dépassement.

Chaque mouvement vient renforcer le combat non pour faire masse
mais en rendant l’anticapitalisme plus complet

Cela rehausse la portée de chaque aspiration en en faisant un levier pour une autre société. A condition de la traiter comme telle. Chaque mouvement vient renforcer le combat non pour faire masse mais en rendant l’anticapitalisme plus complet, en discernant mieux l’obstacle. D’où une efficacité nouvelle. Le social a besoin de toutes ces spécificités pour être le social sinon il ne reste que corporatiste, ce qui peut nourrir des mises en concurrence entre nous.

La construction de soi suppose la fin du capitalisme. Pour ne pas laisser à ce dernier le monopole de faire système, nous avons besoin les un·es des autres afin de devenir porteur·se·s d’une projection vers une société fondée sur la reconnaissance de l’apport de chacun·e. Ainsi chacun des objectifs de ces combats devient un critère d’efficacité sociale et le vecteur d’un engagement plus large et plus profond. 

Pierre Zarka 

Cet article fait partie du dossier :

Horizons d'émancipation

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