L’étape actuelle du capitalisme, le néolibéralisme, traverse une crise profonde que la pandémie a accentuée sans en être la cause. Les crises sont intrinsèques au système capitaliste, cependant celle que nous traversons est différente des précédentes par sa nature multidimensionnelle.
Elle est à la fois financière, économique, alimentaire, énergétique et environnementale. Financière et économique, car le spectre d’une récession mondiale en 2023 apparaît avec une inflation qui ne cesse de grimper. Alimentaire, car malgré une production d’aliments capable de nourrir le double de la population mondiale, 10 % de l’humanité est affamée. La crise alimentaire n’est pas due à un manque de nourriture mais à l’organisation économique et sociale qui ne destine pas les aliments à résoudre le problème de la faim. Énergétique, car non seulement les réserves d’hydrocarbures sur lesquelles tout le système économique est structuré ne sont pas infinies, mais leur extraction passe des méthodes dites traditionnelles à des méthodes encore plus dévastatrices de l’écosystème, comme le fracking ; par ailleurs, la guerre en Ukraine provoquée par le régime de Poutine provoque les difficultés d’approvisionnement de l’Europe en gaz. Environnementale, car les catastrophes dites naturelles s’accumulent, dues à un réchauffement climatique causé par la cadence effrénée d’un système capitaliste dévorant les ressources naturelles affamé de bénéfices exponentielles.
Depuis la pandémie, les riches sont encore plus riches et les pauvres encore plus pauvres et plus nombreu∙ses. Les inégalités ne cessent d’augmenter ; face à cette paupérisation généralisée des travailleurs et des travailleuses, étudiant∙es, retraité∙es, privé∙es d’emploi, la lutte pour une augmentation des salaires et des minimas sociaux est centrale dans l’ensemble des mobilisations. Les actions collectives revendicatives sont nombreuses. Le 27 septembre les travailleurs et travailleuses des raffineries du groupe Total, commençaient une grève pour l’augmentation de salaire, face à l’inflation et aux bénéfices géants engrangés par l’entreprise. La question de la répartition des richesses, lancée comme un pavé dans la mare, éclabousse le gouvernement au service du patronat, qui tente par tous les moyens de remettre en cause le droit de grève. La grève d’un secteur stratégique est un sacré levier dans le rapport de forces. L’appel CGT-FSU-Solidaires-UNEF-FIDL-MNL-VL à la grève du 29 septembre bénéficia de la force du mouvement dans les raffineries avec, en toile de fond, une profonde volonté de solidarité en faisant valoir notre droit de grève. Le 18 octobre, des centaines de milliers de travailleurs et travailleuses du public et du privé étaient en grève et dans la rue avec les mêmes revendications. L’appel interprofessionnel du 18 octobre fut également celui de la mobilisation pour la défense des droits des élèves et des personnels des lycées professionnels, continuée le 18 novembre. Le 10 novembre, la grève dans les transports d’Ile-de-France a été très suivie avec un taux de grévistes atteignant celui du 13 septembre 2019 dans le métro.
Face à l’urgence environnementale, les 28 et 29 octobre, plusieurs centaines de militant∙es syndicaux, politiques, associatifs, étaient à Sainte Soline pour soutenir une lutte bien ancrée dans ce territoire, celle contre la construction des méga bassines, projet écocide suicidaire. Ces militant∙es, prêt∙es à perturber l’ordre établi afin de construire un rapport de forces à leur avantage, durent se défendre face à la virulence des forces de l’ordre. Ce qui leur a valu d’être qualifié.es d’écoterroristes par le gouvernement.
La colère sociale est forte et généralisée. Le gouvernement est prêt à accélérer sur la question des retraites, dès janvier 2023, en voulant reculer davantage l’âge légal de départ à la retraite. Pour notre camp social, l’objectif est d’obtenir l’abandon de ce projet de « réforme » des retraites. Pour y parvenir, les obstacles sont nombreux mais les leviers du syndicalisme le sont aussi. L’ampleur de la crise est révélatrice de l’échec absolu du modèle néolibéral ; c’est un moyen de renforcer une prise de conscience collective forte, soulignée par les nombreuses mobilisations depuis septembre. C’est le résultat des mesures antisociales prises par les gouvernements successifs, que nous avons dénoncés et combattus sans relâche. Notre analyse s’est révélée pertinente et nos collègues le savent. L’existence d’une intersyndicale CGT-FSU-Solidaires, pérenne et capable d’organiser des grève unitaires, est un atout. La grève se construit dans nos lieux de travail, elle n’est ni décrétée ni incantatoire mais un appel unitaire national facilite grandement la tâche. Pour finir, porter un syndicalisme de lutte et de transformation sociale nous intègre en tant que militant∙e syndical∙e, dans le mouvement social, celui des luttes antiracistes, féministes, écologistes, etc. Le syndicalisme est la force politique capable de changer la réalité. Face à la crise multidimensionnelle que nous traversons, le syndicalisme n’est pas une lubie mais une question de survie.
Nara Cladera, Professeure des écoles en Haute-Garonne, Nara Cladera est co-secrétaire de la fédération des syndicats SUD Éducation et co-animatrice de l’Union locale Solidaires Comminges (31).
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