Notes d'actu.

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Turquie : le monde multipolaire à l’exercice de la guerre

            Dans les désordres du monde post-pandémie et guerre en Ukraine, la Turquie joue désormais un rôle renforcé, se voulant facteur de paix, intermédiaire obligé et négociateur habile. Là où Macron, présidant l’Union européenne, avait échoué au printemps dernier.

            Erdogan est l’héritier d’une double tradition historique : l’empire ottoman et politique : le conservatisme autoritaire, bien en phase avec Poutine, héraut de la « Grande Russie » et non moins autoritaire. Un chemin partagé qui aide à se comprendre.

            La position géopolitique de la Turquie favorise ses ambitions. Désormais incontournable au Moyen-Orient, elle joue les gendarmes en Syrie, en Irak et plus discrètement dans les républiques « musulmanes » du sud de la Russie. Sa force économique, sa place stratégique dans les migrations au Sud-Est de l’Europe, la stabilité de son régime plait tant aux investisseurs du capitalisme mondialisé qu’aux Grands de ce monde. L’impérialisme américain ayant montré ses limites à intervenir efficacement, le monde multipolaire qui se met en place doit accorder un rôle non négligeable aux descendants de l’empire ottoman. Garantie d’équilibre au Moyen-Orient avec les autres alliés de l’Occident que sont le Qatar et l’Arabie Saoudite, l’ombre tutélaire turque est une autre garantie face aux pays du sud-est européen, qui des Balkans à la Grèce sont considérés comme des foyers potentiels d’instabilité. L’islamo-conservatisme musclé d’Erdogan ouvrent des bienveillances, des autorités musulmanes aux organisations internationales qui à défaut de l’aimer, le comprennent, le supportent et pensent l’utiliser. Le jeu d’équilibriste de la diplomatie turque (je dénonce la guerre russe en Ukraine mais je ne vote pas contre la Russie à l’ONU, par exemple) et l’appui accordé à diverses organisations, souvent anciennes alliées lâchées par les USA ou la France, appuient des interventions parfois musclées, des financements variés dont les émirats ou le Mossad et l’Israël n’ont pas l’exclusivité.  

Face à un pôle occidental affaibli, les velléités chinoises d’influence dans le monde ne sont pas les seules à monter en puissance. Si la Chine, à sa façon, entend constituer l’épicentre d’un pôle dominant en Extrême-Orient, et conforter sa présence économique en Afrique, le nationalisme indien aussi islamophobe soit-il supporte le gendarme turc.

            Dans ces grandes manœuvres géopolitiques, comptent la recherche de terres arables (la Chine en Afrique, la Russie en Ukraine), l’accès à l’eau et le contrôle des voies maritimes.

            Si la Chine entend contrôler « sa » mer et la partie adjacente du Pacifique face au Japon, la Turquie contrôle la Mer Noire avec le Bosphore et verrouille la Méditerranée par le détroit des Dardanelles. Quant à l’eau, aujourd’hui réel sujet des trois quarts des guerres dans le monde, réchauffement climatique aidant, son importance stratégique et vivrière est indéniable.

            L’alliance des peuples peut-elle s’ébaucher sans une série d’objectifs où les solidarités internationales et régionales supplanteraient les concurrences effrénées ?  Quelle gouvernance, nouvel ordre monde mondial, peut-il succéder à ce désordre meurtrier et suicidaire ?

Patrick Vassallo

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