Dans la campagne électorale de 2022, comme depuis une dizaine d’année, la droite et l’extrême droite ont surfé sur la vague féministe en stigmatisant notamment les hommes racisés des classes populaires dans ce que l’on analyse comme des discours fémonationalistes, pour lesquels la Nation protégerait « ses femmes ». De son côté, la gauche anti-libérale dans son ensemble ne donne pas une place centrale aux aspirations féministes qui ont pourtant marqué la dernière période. La candidature de Sandrine Rousseau à la primaire d’EELV est alors apparue comme une opportunité pour de nombreuses féministes : du fait de son implication dans le procès Baupin et ses interventions répétées sur les violences sexistes et sexuelles et les inégalités de genre, elle a représenté un véritable espoir féministe, alors même que son discours pouvait présenter des contradictions.
A ce stade, l’ensemble des féministes ne se sont pourtant pas rassemblées derrière une candidature, à l’image du mouvement féministe actuel qui constitue bien plus une nébuleuse marquée par des tensions et des désaccords qu’un groupe unifié. Pourtant, des embryons de structuration se dessinent. La coordination féministe rassemble des dizaines de groupes féministes locaux ; les intersyndicales femmes nationales et leurs déclinaisons locales s’impliquent désormais dans la construction de la grève féministe.
Stratégiquement, il est vain et, au fond, injustifié, de tendre vers une homogénéisation des revendications : il s’agit plutôt de réunir les conditions pour permettre aux femmes et aux minorités de genre de se mobiliser ensemble, sans que personne ne se trouve exclu du mouvement. Au-delà, la contestation féministe actuelle porte une mise en cause radicale de la façon dont les partis politiques se sont forgés dans l’histoire, dans le fond et dans la forme. Pour ne plus être supplément d’âme, un adjectif qu’on ajoute pour être politiquement correct, le féminisme doit être au cœur de notre projet d’émancipation comme il s’invite dans l’ensemble des mouvements sociaux récents, des gilets jaunes à la grève contre la réforme des retraites.
Longtemps, la gauche radicale a considéré qu’elle constituait un débouché politique pour les luttes, établissant finalement une hiérarchisation. A l’image de la dynamique Chilienne dans laquelle la contestation féministe a été motrice dans le processus constituant paritaire ambitionnant de mettre fin au néo-libéralisme, il s’agit de sortir de cette approche considérant d’un côté l’organisation politique et de l’autre les luttes. Il faut au contraire construire une articulation permanente entre ces différents niveaux pour qu’ils s’auto-alimentent, se nourrissent par l’auto-organisation à la base.
Fanny Gallot
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