Le complotisme, comme le populisme est un mot- valise englobant tant de réalités diverses qu’il est impossible à définir. Ces concepts récents sont propices aux amalgames douteux et surfent sur la perte de repères et la confusion. Ils sont les éléments d’une idéologie qui ne dit pas son nom. La théorie du complot ne fait- elle pas partie d’un combat pour disqualifier les opinions et les idées qui vont à l’encontre de la politique néolibérale ? Des chercheurs ont même défini une « mentalité conspirationniste » (Conspiracy Mentality-Martin Bruder). En viendrons-nous à la chasse aux sorcières ? Les gilets jaunes complotent, les islamo-gauchistes complotent. Je complote quand je dis que les dirigeants du monde se concertent pour élaborer leur stratégie néolibérale dans des cénacles comme la commission trilatérale ou le World Economic Forum. Pourtant c’est vrai et je peux le prouver.
L’institut Jean Jaurès nous apprend que plus d’un français sur cinq, surtout jeune et défavorisé, « est perméable à la théorie du complot » (enquête 2018). Ce résultat est biaisé car le concept de départ amalgame ceux qui sont en recherche de vérités alternatives et adeptes du complot. Tous ne sont pas des adeptes de thèses paranoïaques, mais d’abord en quête de vérité, de sens et d’une vision alternative du monde et de l’histoire. Comment s’en étonner quand le socle des valeurs qui permet une compréhension commune du monde s’effondre ; quand les mensonges et les trahisons des gouvernants sont si nombreux qu’il n’est plus possible de leur faire confiance.
Le film « hold-up » cherche à détourner ces aspirations montantes vers des impasses. Il est construit sur le ressentiment plutôt que sur l’analyse ; sur l’affirmation plutôt que la démonstration. Il ne propose aucune solution alternative. Le « complot mondial des élites » relève du registre de l’apocalypse annoncée plutôt que de celui du combat. Ce film produit peur et impuissance et fait le jeu de ceux qui produisent ces amalgames. Il contribue à jeter le discrédit sur ceux qui dénoncent le capitalisme renforçant l’idée chez les gens “raisonnables” qu’il n’y a pas d’alternative.
Dénoncer les menées qui peuvent se cacher derrière ces « théories du complot » ne suffit pas. Il est urgent de démonter ces concepts de l’idéologie dominante et de poursuivre et d’amplifier le processus de politisation du peuple amorcé depuis 2019. Il montre que l’effondrement de la confiance dans les dirigeants et les institutions a fait grandir chez beaucoup une nouvelle confiance dans sa capacité à faire par soi-même. En regagnant une estime de soi que les désillusions, le sentiment d’impuissance avaient fait perdre, le mouvement populaire a montré sa capacité à produire du politique. Mais c’est à la lumière des solutions alternatives proposées que l’on pourra vraiment séparer le bon grain de l’ivraie.
Josiane Zarka
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