Cela fait maintenant 8 mois que le hirak dure et il ne semble pas prêt de s’arrêter. Cette protestation citoyenne initialement dirigée contre la candidature à un cinquième mandat de la « momie » Bouteflika s’est muée très rapidement en une protestation politique de masse contre le « système » opaque qui dirige le pays et a vite pris l’allure d’un véritable mouvement révolutionnaire. Certes, en été, l’importance des manifestations a diminué mais celles-ci ont continué et ont même rebondies dans tout le pays depuis le 20 septembre en réponse à la tentative de coup de force. Le peuple algérien a clairement exprimé sa volonté de rompre radicalement avec l’ordre établi (« système dégage ») et rejeté le pouvoir de l’armée en réaffirmant la primauté du politique sur le militaire. La dynamique révolutionnaire se maintient et ne cesse d’exiger un processus constituant pour créer une nouvelle république, démocratique et sociale, débarrassée des féodalités archaïques, de l’oppression et de l’injustice. En soutien au mouvement plusieurs partis de gauche, des syndicats autonomes et des associations se sont réunis à Béjaïa le 24 août dans une « Convention pour un processus constituant souverain » et ont publié un manifeste qui reprend l’essentiel des revendications populaires.
Mais face à cette volonté populaire le chef d’état-major de l’armée Gaïd Salah, véritable direction politique de l’Algérie, vient d’imposer la tenue d’un scrutin présidentiel. A la suite de son injonction, les institutions se mettent en place, révélant de manière criante leur soumission aux « décideurs » militaires. Le 9 septembre, le Conseil des ministres tient sa première réunion formelle depuis la démission de Bouteflika sous la présidence de Bensalah, le Président intérimaire dont l’intérim aurait dû cesser depuis le 9 juillet. Deux projets de loi sont approuvés, l’un amendant la loi électorale, l’autre établissant une autorité « indépendante » de supervision des élections. L’Assemblée nationale et le Sénat se saisissent immédiatement des deux textes afin de leur donner force de loi. Le lendemain, Bensalah annonce la convocation du corps électoral et la tenue d’un scrutin présidentiel le 12 décembre. La présidence de l’autorité « indépendante » est confiée à un ancien ministre de la Justice de Bouteflika.
Mais rien n’est encore joué. Certes deux candidats du sérail Benflis et Tebboune (dont il se dit que ce serait LE candidat du pouvoir) sont sur les rails, encore faudrait-il que cette élection se déroule. Car malgré les menaces, les arrestations et les condamnations arbitraires , le verrouillage des médias et de tous les espaces d’expression ainsi que la fermeture de la capitale, le hirak continue. Il ne veut rien lâcher et, confiant suite aux victoires obtenues (départ de Bouteflika, double report de la présidentielle et peut-être le plus important, la réappropriation de la liberté de parole et de l’espace public), il entend bien tout faire pour que la présidentielle n’ait pas lieu dans ces conditions et qu’un processus constituant soit mis en place.
Voir aussi le compte rendu d’une délégation d’Ensemble de retour d’Algérie
Henri Mermé.
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