Culture.

PArce qu’on ne peut pas s’émanciper sans aile !


Aurillac : fièvre carnavalesque et théâtre populaire !

Un chevalier en armure sur un bateau gonflable, un cortège de gilets jaunes, des élus qui jouent le jeu de l’humour, des femmes en lutte contre les inégalités de genre dans le secteur culturel : pas de doute c’est bien à la cérémonie d’ouverture du festival international de théâtre de rue d’Aurillac que nous assistons. Ce rendez-vous incontournable a cette année encore su révéler des paroles artistiques précieuses.

La capitale du Cantal, sous un soleil quasi-caniculaire, a fait sa traditionnelle mue. Chaque parcelle d’herbe est occupée par des campements de fortunes, les rues sont envahies par des jeunes avec chiens et camions, des festivaliers de tous horizons, le nez collé sur leurs plans, courent d’un spectacle à l’autre.

En quelques heures à arpenter les rues, on comprend vite qu’au-delà d’un décor quasi folklorique d’un “festival-carnavalesque”, c’est bien le moment des spectacles qui est le cœur battant d’Aurillac et l’objet de toutes les discussions. En quelques années, au-delà de la programmation officielle à présent pilotée par Frédéric Rémy, les compagnies (dites “de passages”) se sont organisées par “cours”. Les spectacles s’enchaînent et la qualité d’accueil (et d’écoute) est remarquable. La mutualisation des “chapeaux” entre les compagnies est chose courante (mais c’est bien-entendu un partage de la misère…). Les lieux tentent chacun à leur manière d’inventer une couleur, une ambiance…

Parmi la vingtaine de créations découvertes cette année (sur 700 propositions…), “La Beauté du monde” de Gildas Puget est déjà un classique pour le public d’Aurillac. Gildas Puget est un conteur de l’irrationnel niché dans le réel. Il nous transporte dans une aventure improbable où il est chargé de sauver la terre de sa destruction. La thématique d’actualité et les envolées lyriques (et militantes) transportent le public vers l’enthousiasme comme une “communauté” provisoire qui a des rêves en communs. Emporté par son histoire (et par la fameuse crainte du “didactisme”), le héros fini par admettre que la révolution “ça ne marche pas” et qu’il faut cultiver son jardin, construire sa yourte… On aurait aimé plus de dialectique mais le numéro d’acteur et la poésie partagée font oublier ce bémol.

Dans la très prisée cours 99, le spectacle de cirque féminin INO sera sans doute l’une des belles découvertes de ce festival. Sept jeunes femmes, de 6 nationalités différentes, proposent une rencontre, un corps à corps, qui révèlent leur désir de liberté et de sortir des conventions qui assignent les femmes à résidence. Ça s’empoigne, ça grimpe, ça rebondit… mais sans jamais tomber dans le simple enchaînement de “numéros”. Ce beau moment d’humanité nous transporte vers un monde rêvé, où le fragile est une force.

Carnage Production continue avec brio de mêler la peur et le rire, la Cie Liquidation Totale dézingue Noël et ses rêves consuméristes, l’AFAG parle de politique (et de la nécessaire fin des frontières…) au milieu de combats d’épées improbables…

Les créations aurillacoises sont déjantées, outrageusement racoleuses, terriblement hors cadre, mais si l’on tend l’oreille, on entend entre chaque rire, un bout de poésie, entre chaque numéro, une dénonciation radicale du monde tel qu’il est…

En vérité, c’est un théâtre populaire de grande qualité qui s’invente ici.

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