Edito.

L’Humeur de la rédaction.

Fin du moi, début du nous…

Nous sommes cernés par les cibles” affirmaient il y a quelques temps Serge Pey et André Minvielle. Depuis, notre espace imaginaire vital semble avoir réduit à la vitesse de notre capacité d’éviter l’effondrement. Il est d’ailleurs curieux de constater que nous sommes capables d’imaginer la fin de l’anthropocène alors que nous sommes bien en peine pour penser la fin du capitalisme.

La guerre de tous contre chacun et les logiques identitaires, la marchandisation de nos vies et les replis nationalistes, on sait à présent que l’ensauvagement en cours  nous oblige  à sauver notre part d’humanité en même temps que le climat…

C’est sans doute la question urgente : qu’est ce qui mérite d’être sauvé chez l’être humain ? Les défis environnementaux et anthropologiques se télescopent. Notre humanité ne tient qu’à un fil fragile, un fil qui nous relie : une histoire commune de drames et de beautés. Nous ne tenons qu’à ce fil qui nous dit : tends la main à celui qui se noie ; partage, réfléchis, aime, regarde la poésie du matin, l’intelligence d’une lutte, pense par toi-même, invente des chemins inconnus…

Si ce n’est pour tout ceci alors pour quoi ? Pour vaincre, conquérir, s’enrichir à millions ? Pour écraser, humilier ou torturer ? Il faut faire le pari, éternellement réenchanté, que notre humanité, fatiguée et meurtrie, mérite de vivre en harmonie et en intelligence, et qu’elle mérite qu’on se batte pour elle, pas comme un acquis qu’on préserve mais comme un chemin à ré-inventer…

A travers la création artistique, il nous faut voir le réel et déceler les bribes de demain qui sont dans aujourd’hui, il nous faut “désincarcérer le futur”. Pour cela, l’art doit être libéré des logiques en cours, de la précarité et de la marchandisation. Il peut devenir un espace infini de partage et de mise en commun pour faire vivre l’échange et la réflexion, pour panser nos vies cabossées et inventer un imaginaire du futur déjà-là. 

Il y a partout des îlots de résistances, qui doivent apprendre à devenir des archipels puis des continents, construisent ici des Zad, là des coopératives, ici un spectacle et là une chanson. Partout, plutôt que d’attendre la fin du système, nous chantons déjà sur ses ruines. Partout, pour réaliser notre humanité, nous souhaitons passer de la fin du moi au début du nous.

Laurent Eyraud-Chaume

comédien et co-directeur artistique du pas de l’oiseau

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1 réflexion sur “Fin du moi, début du nous…”

  1. L’actualité du monde, des autres, nous la connaissons, effectivement, trop bien. Si elle nous révolte; nous arrivons enfin à notre actualité!
    Il y a une étape qui nous ne pourront court-circuiter: la plongée en nous-même! En nous même, il y a effectivement un universel, qui ouvre l’horizon d’un entre-nous possible et sans doute lumineux. Quitter la surface du moi, pour plonger en soi. Sans quoi nous ne sommes pas prêts à nous refonder collectivement.
    Merci et bravo pour votre très bel appel! Je le dis du fond de mon coeur…

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