Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Pour une démocratie sociale et directe

La profondeur du mouvement sur les retraites de l’hiver 2023 nous enseigne déjà une chose, alors que ces lignes sont écrites dans le temps suspendu entre le 16 février et le 7 mars, entre la première et la deuxième phase du mouvement, ou du moins ce que l’on construit actuellement pour être une deuxième phase.

Cet enseignement nous vient des petites villes : les manifestations massives dans les métropoles n’ont pu cacher que partout, dans les préfectures et les sous-préfectures, dans les villes que l’on appelle petites, la population s’est mobilisée dans de larges proportions. Ces villes des territoires ruraux et délaissés, avec des services publics réduits à peaux de chagrin, qui ont été remises sur le devant de la scène des luttes pendant le mouvement des Gilets Jaunes. Et qui ont été souvent accusées d’être les premières pourvoyeuses de voix pour l’extrême-droite. C’est pourtant bien dans ces villes que l’on observe la profondeur du mouvement pour sauver notre système de retraite. La politisation en cours dans ces manifestations, au contact des organisations syndicales unies, est un outil puissant de lutte contre les idées d’extrême-droite.

La profondeur de ce mouvement, à même de repousser (de freiner ?) cette lame de fond de la progression des idées d’extrême-droite, qui paraît pourtant inarrêtable, dépasse la question du montant des pensions et de l’âge de départ.

Elle parle d’abord d’une colère. Elle parle de l’appauvrissement généralisé, de l’augmentation des inégalités, de la casse des services publics. Elle parle de l’injustice criante de la répartition des richesses.

Cette colère légitime, il est de la responsabilité des organisations du mouvement social de lui proposer un débouché. Pour cela, deux questions sont centrales. Celle de la démocratie dans le mouvement, et celle du projet de société.

La question de la démocratie peut se résoudre de manière relativement rapide : il faut des Assemblées générales de grévistes, partout, qui décident des modalités et de la reconduite de la grève. Ceci permet à chacune et chacun de s’approprier la grève, de se politiser, et de profiter de ce dont la « démocratie représentative » nous prive : du débat et de la décision collective qui engage chacune et chacun. Mais cela serait un peu court, alors que les restructurations du capitalisme ont démoli les collectifs du travail. Recours accru à la sous-traitance, ouvertures à la concurrence, contractualisation dans le public, recours accru aux contrats courts et à l’auto-entreprenariat, généralisation du télétravail… Autant d’éléments qui forment des embûches à cette démocratie ouvrière. Mais qui implique également que seuls les travailleuses et les travailleurs eux-mêmes sont à même de définir leurs propres modalités d’exercice de cette démocratie directe, accompagnés en cela par des organisations syndicales qui ont engrangé au cours des dernières années, et dans des luttes sectorielles, de réelles expériences dans ce domaine.

La question du projet de société, quant à elle, est intimement liée à celle de la démocratie, puisque cette démocratie « de celles et ceux qui font tourner le pays » est la base d’un projet de société égalitaire. C’est bien dans l’échange entre grévistes d’une même boîte, de boîtes voisines, de secteurs professionnels différents et complémentaires dans le système de production de biens et de services, entre habitant-es d’un même quartier qu’émergent les bases d’une autre société. C’est dans la confrontation des situations particulières que l’idée d’un intérêt commun se dessine, cassant les barrières du corporatisme. Pour qu’il ne soit pas dessiné par une minorité de personnes, bien ou mal intentionnés, mais par une majorité, en mesure de se l’approprier, le retour à la démocratie sociale et directe est indispensable. Elle est seule à même de donner suffisamment de confiance à notre classe sociale pour remettre en cause profondément le capitalisme.

Adèle, syndicaliste CGT

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