Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

La révolution qui nous attend

Avec la réélection d’Emmanuel Macron, l’écologie installée a rencontré une déconvenue de plus, au point qu’on se demande encore s’il y a encore un projet politique consistant derrière cette cause si bavarde. La reconduite d’Ursula Von Der Leyen à la tête de la commission européenne dans un contexte de détricotage du pacte vert, ou le retour du climato-sceptique Donald Trump à la tête des États-Unis, démontre le discrédit général du référentiel écologique dans la sphère politique occidentale. C’est évidemment regrettable, mais faut-il s’en étonner outre mesure ?

L’écologie dominante, celle qui a été institutionnalisée par les ONG (WWF, Greenpeace, etc) et les partis verts, n’a-t-elle pas perdu tout à la fois son caractère offensif et ses capacités de mobilisation pour devenir une annexe impuissante de la classe bourgeoise au fur et à mesure de son institutionnalisation ? A mesure qu’elle s’est institutionnalisée, à partir de la fin des années 1970, elle a perdu tout caractère révolutionnaire à même de constituer un levier de changement social et politique. Comme je le montre dans mon livre (Pourquoi l’écologie perd toujours, Seuil, 2024), ses élites en ont fait une cause morcelable, négociable et profitable, éloignée de la question sociale et indifférente aux clivages politiques. Tant et si bien qu’elle se vend au plus offrant selon les circonstances, tantôt aux néolibéraux, tantôt aux socio-démocrates, tantôt (plus rarement) à la gauche de rupture, se rendant dès lors illisible. Étrangère à la lutte des classes, elle se montre non seulement incapable de s’articuler aux rouages qui structurent la société, mais elle se vautre également dans un mépris de classe indécrottable, nourrissant au passage un ressentiment qui profite à l’extrême-droite. Que ce soit dans ses revendications, ses messages ou sa manière de se présenter au public, elle vise essentiellement à sensibiliser des classes bourgeoises en mal de suppléments d’âme au lieu d’apparaître comme une ressource pour les perdants du système économique. Concentrée sur des solutions de marché et la diffusion d’une écocitoyenneté morale accessible uniquement à celles et ceux qui ont les moyens, elle permet l’extension du capitalisme et dépossède les classes populaires, une nouvelle fois, des enjeux qui fondent notre avenir commun.

Mais cette écologie embourbée dans sa propre impuissance semble en perte de vitesse, incapable de maintenir sa position prescriptice faute de résultats sérieux. Ce faisant, elle laisse le champ libre à une écologie autrement plus déterminée : celle qui s’organise dans le giron des Soulèvement de la Terre à partir du territoire concret, articulant lutte contre les dynamiques fascisantes qui gangrènent le pays et contre les grands projets inutiles par lesquels le capital développe son infrastructure écocidaire. Loin de cette écologie mondaine avant tout soucieuse de ses accès institutionnels, tout un mouvement citoyen et militant se déploie pour organiser ici et maintenant la résistance au ravage, à travers de nouvelles manières d’habiter le monde (zad et renouveau municipaliste) ou de produire (coopératives, agroécologie, etc). Cette manière de faire société à distance des institutions ne doit cependant pas se traduire par une dépolitisation supplémentaire : elle doit au contraire cultiver son aspect militant et viser la transformation générale des structures de pouvoir. C’est ainsi seulement qu’elle servira de creuset pour la révolution qui nous attend impatiemment.

Clément Sénéchal

Image : ©ceriseslacooperative.info

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Horizons d'émancipation

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Laquelle ? Celle des libertariens ? Celle de Trump, Milei, Meloni ? Au bord du gouffre y-a-t-il encore de l’espoir ?Une chose semble certaine, les vieilles solutions ne tiennent ...
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