Sociologue de filiation bourdieusienne, spécialiste et traducteur de Norbert Elias, l’auteur réussit l’exercice ô combien périlleux d’un croisement de sa discipline avec une approche psychanalytique des faits et mécanismes sociaux. Publié parallèlement à une longue enquête sur la sociogenèse et les usages sociaux de la catégorie de « perversion narcissique » aux éditions du CNRS, il consacre cet ouvrage à une étude de cas, celui d’Emmanuel Macron ! Mobilisant une palette bibliographique largement transdisciplinaire, il démontre comment le qualificatif « jupitérien » pour caractériser son exercice du pouvoir présidentiel est un gentil euphémisme, tant les dimensions disruptives, individualistes, dominatrices, irresponsables et manipulatrices du personnage constituent un cas quasi idéal-typique de pervers narcissique. Pour ce faire, il focalise son analyse sur son comportement durant et face aux luttes sociales, tout particulièrement lors de la bataille des retraites.
Mais la partie la plus éclairante de ce qui constitue à la fois un véritable acte d’accusation et un signal d’alarme concerne notre structure institutionnelle actuelle qui, à ses yeux, non seulement promeut la prise du pouvoir par ce type de personnalité, mais en assure et garantit sa durabilité en entremêlant crise de la violence symbolique, folie à deux (masculinité toxique et capitalisme prédateur), et fantasme monarchique, pour maintenir le peuple en état de minorité, et saper, délégitimer et réprimer toute résistance – en toute impunité.
Makan Rafatdjou
La pensée perverse au pouvoir, Marc Joly, Editions Anamosa, 2024, 285 p., 20 €
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