Lara Croft version lutte des classes (1)

Dans les années 50 et 60, la présence des ouvriers dans les films, particulièrement dans le néoréalisme italien, renvoyait à une certaine magnificence. Les visages chez Renoir, Carnet, De Sica, Pasolini ou Glauber Rocha incarnaient un quotidien transformé en épopée féérique. Comment ne pas se demander si ce phénomène n’était pas lié – même inconsciemment – à l’espoir d’aller vers une société meilleure faite pour et par les femmes et les hommes du quotidien ?

Depuis, nous avons traversé une longue période où il a fallu admettre que les espoirs du siècle avaient tous failli. Que nous est-il resté si ce n’est le désenchantement et l’envie de parler d’autre chose ? Lorsque l’on filme des gens du peuple, c’est pour évoquer leur vulnérabilité et surtout ne pas leur ressembler.

Depuis peu, des films et des séries télévisées se sont mis à évoquer les ouvriers non plus souffrants mais combattants. Je voudrais m’attarder sur une série : Machine. Il s’agit d’une adepte du Kung-Fu participante d’un combat ouvrier. On croit voir Lara Croft ou tout autre personnage d’un jeu vidéo qui, de bonds en frappes de karaté, impose aux sbires et à la direction de l’entreprise le respect des ouvriers. La révolte se substitue à la souffrance. La dignité à la déprime. Les ouvriers deviennent des héros de récit. Des femmes et des hommes qui nous disent de manière transcendantale combien nous pouvons être comme eux. Ils incarnent nos envies de rêver. Un merveilleux à la mode de l’ère informatique fait que ces personnages renouent avec une certaine magnificence.

La multiplicité de tels films et séries (comme Making off ou Hypocrate et d’autres) empêche de croire à une coïncidence. A l’ère des Gilets Jaunes, des luttes pour la retraite, de l’usure flagrante des formes traditionnelles de la politique, n’y a-t-il pas quelque chose qui mûrit sur le thème « aide-toi, le ciel t’aidera » ? Ne serait-ce pas l’imaginaire émancipateur d’aujourd’hui qui commence à se construire ?

Pierre Zarka

[1] Cet article fait suite à la rubrique culture du Numéro d’octobre Dans l’écran, du social…