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Pour une approche féministe de la maternité

Libérées de l’assujettissement à leur fécondité grâce à la contraception et l’IVG, la peur de mourir ou de souffrir, la maternité des femmes suscite pourtant de nouveaux enjeux face à une médecine un temps libératrice. Tel est l’enjeu féministe de ce livre.

Car, par un retour de bâton patriarcal, la médecine les soumet à une forme d’appropriation de leur maternité et de contrôle de leur corps à travers l’organisation de tout un système de soin. Le principe de cette nouvelle sujétion s’inscrit dans la conception médicale du normal et du pathologique. Elle permet de prêter de nouveaux habits à la vision traditionnelle de l’infériorité naturelle féminine dès lors que la maternité est avant tout envisagée comme une situation à risque, qu’il soit somatique, mental ou social, notamment quant à la sphère du travail.

Si bien qu’après être restée longtemps un lieu d’aliénation plutôt que d’émancipation, et un angle mort pour les questions féministes, la maternité est devenue le théâtre de nouvelles revendications à travers la réappropriation corporelle par un réel pouvoir d’agir dans la mise au monde, les alternatives à la naissance hospitalière, le désir de réalisation personnelle et sociale… C’est aussi la question des violences obs­tétricales avec la reconnaissance des droits inaliénables auxquels tout sujet féminin peut prétendre avec le consentement libre et éclairé.

Ces différentes thématiques sont explorées du passé au présent, selon une analyse psychosociologique et politique du contexte patriarcal dans lequel s’inscrivent la maternité et, par extension, toutes les acti­vités genrées, dites socialement féminines par opposition aux activités dites masculines. Mais également en suivant l’analyse du destin des sages-femmes qui croise celui des femmes quand bien même il s’agit parfois aussi de les contrôler : de l’entre soi d’un « sale boulot », relégué aux femmes des systèmes de castes jusqu’à la figure de la sorcière en puissance de l’inquisition ; ou encore dans l’assignation de leur activité à la « nature » des femmes avec ladite physiologie, assimilée au normal face au registre du pathologique où le pouvoir médical déploie toute sa puissance. Un corps professionnel ultra-féminin lui aussi sous contrôle du pouvoir des hommes, qu’ils fussent d’Église ou qu’ils soient, comme actuellement, d’État ou tenant du corps médical.

Ces thématiques sont aussi étudiées historiquement. D’une part sous l’aspect religieux qui à l’encontre des images positives venues de la Préhistoire et encore au néolithique, dévalorise le corps féminin et le féminin, avec le monothéisme, sous le nom « d’impureté » avec les menstrues et l’accouchement. D’autre part sous l’aspect médical où, prenant le corps masculin comme référence, cette dévalorisation revient à considérer la maternité comme une « vulnérabilité », intégrée dans les « maladies des femmes ». En confirmation est proposée une revue des manuels d’obstétrique rédigés par le pouvoir médical masculin depuis le XVIIe siècle. L’activité des sages-femmes y disparaît pour faire place à un interventionnisme récurrent sur le corps féminin.

En alternative l’ouvrage manifeste combien les femmes ne sauraient être enfermées dans leur « nature », telle que définie par les hommes, au nom de la religion, voire au nom de la science et du scientisme. Un partage s’impose alors avec le monde médical dans le respect du corps féminin, du pouvoir d’agir des femmes, et pour une venue toute en humanité de l’enfant.

Claudine Schalk

chercheure associée au Centre de recherche sur le travail et le développement du Cnam en tant que docteure en psychosociologie.


Claudine Schalck & Gérard da Silva
Pour une approche féministe de la maternité
Du « travail des femmes » à celui des sages-femmes

Éditions Matériologiques
16 x 24 cm, 214 pages, 21 € (version papier), 16 € (ebook)

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