Si la coalition du Nouveau Front Populaire est arrivée en tête des élections législatives, c’est en partie grâce aux organisations du mouvement social qui se sont mobilisées pour que le scénario catastrophe de l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite n’ait pas lieu. Malgré une très forte poussée de l’extrême droite le pire a été évité, mais nous devons considérer ceci comme un sursis. Il est urgent de changer de politique pour éviter que la catastrophe ne se produise en 2027, et les atermoiements actuels de Macron (à l’heure où nous écrivons il n’a toujours pas désigné le ou la première ministre) laissent un flou important et préoccupant sur la politique sociale, environnementale qui sera menée.
L’Union syndicale Solidaires a eu un positionnement lors de cette crise politique qui a consisté à dire qu’elle agira par tous les moyens contre l’extrême droite, en portant notamment des mesures d’urgences sociales pour arrêter la fuite en avant de plus en plus d’électeur-trices vers le RN. Et en produisant des argumentaires pointant les votes, les actes et les propos du RN pour démontrer à quel point l’extrême droite est une imposture sociale.
C’était une position qui représentait un point d’équilibre interne entre les syndicats de Solidaires qui ont directement appelé au vote pour la coalition du NFP et ceux qui ont fait prévaloir l’indépendance du syndicat vis à vis des partis politiques. Ceci a permis à l’Union syndicale Solidaires d’être active dans les initiatives pré-électorales au côté des organisations du mouvement social dans les différents meetings et évènements et à la fois de préserver notre indépendance vis à vis d’un futur gouvernement.
Certain-es ont pu y voir de la frilosité alors que la CGT et la FSU par exemple ont explicitement appelé à voter pour la coalition du NFP. Il ne s’agit pas ici bien sûr de critiquer le choix des autres organisations, mais d’expliciter ce positionnement.
Solidaires a déjà appelé à ce qu’il n’y ait pas une voix pour l’extrême droite lors des élections présidentielles et la position prise en juin préserve de deux écueils possibles :
– celui de penser que si un gouvernement « NFP » est finalement constitué il suffirait de laisser leur programme se mettre en place pour voir les revendications sociales du syndicat enfin être concrétisées. Or on sait que le patronat et globalement les tenants de ce système capitaliste feraient tout pour mettre des bâtons dans les roues pour l’empêcher. Un rapport de force sera donc encore nécessaire.
– celui de penser que le syndicat peut arrêter d’être un contre-pouvoir : évidemment qu’un gouvernement qui présenterait l’abrogation de la réforme des retraites, l’augmentation des salaires, et reviendrait sur la casse des services publics serait favorable à l’intérêt des travailleurs et travailleuses que doivent représenter les syndicats.
Mais l’échiquier politique confus, ou très éclaté, y compris à l’assemblée nationale peut aussi laisser des compromis voir des renoncements de programme qui iraient au final à l’encontre de cet intérêt… les exemples dans l’histoire sont malheureusement nombreux.
L’existence de contre-pouvoir, syndicats, presse, organismes indépendants, associations, y compris diversité des partis politiques sont les garants d’une réelle démocratie, il est important de le rappeler, particulièrement dans les moments de « crise » et alors que les libertés publiques ont été gravement remises en cause par les derniers gouvernements.
Et maintenant, que faire et quelle voie d’équilibre trouver ?
– il faut que les syndicats construisent un mouvement unitaire dès la rentrée, qui reprend le chemin de luttes gagnantes, en cernant les priorités, gagner l’abrogation de la réforme des retraites de 2023 qui a mobilisé des millions de personnes dans la rue, gagner sur des augmentations de salaires (privé et public), et revenir totalement sur la casse de tous les services publics : c’est en ce sens que notre comité national de mi-juillet s’est exprimé. C’est ainsi répondre directement aux aspirations de la population pour du changement concret, et instaurer un rapport de force avec le patronat au-delà de peser sur telle ou telle force politique.
– c’est réinterroger nos pratiques et manières de militer :
→ combattre les déserts syndicaux, être présent-es encore plus dans tous les collectifs de travail
→ cela passe par (re-)convaincre de la capacité collective de gagner, et aussi par la pertinence de la lutte au-delà de retrouver une vraie « écoute » des syndicats
→ travailler amplement sur les questions de racisme, et autres formes de domination dont l’extrême droite fait son lit
→ cela passe aussi par essayer de porter nos revendications et nos luttes en intersyndicale large
Solidaires a toujours privilégié les liens avec les associations, organisations et collectifs du mouvement social que ce soit sur les questions féministes, environnementales, du logement, de l’économie… Cette articulation a montré sa grande pertinence particulièrement ces derniers mois. Il s’agit de réfléchir comment le rassemblement peut être plus efficace, respectueux des diversités, et en lien avec des organisations politiques, tout en préservant l’indépendance et le lien direct avec les travailleurs et travailleuses dans la période qui s’ouvre.
Murielle Guilbert et Julie Ferrua Co-déléguées de l’Union syndicale Solidaires
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