La colère qui agite le monde agricole en Europe depuis quelques semaines est un symptôme plus profond entre deux conceptions politiques antagoniques :
- Une conception productiviste impulsée par les dirigeants de la FNSEA1 et le CNJA et les multinationales2 de l’industrie agro-alimentaire qui met en péril un grand nombre d’agriculteurs ainsi que la santé de tous et l’environnement.
- Une conception non productiviste et protectrice des agriculteurs qui a commencé à émerger au moment des premiers forums sociaux mondiaux à Porto Alegre en 2002.
Un premier constat s’impose : la FNSEA et ses alliés font mine de défendre l’avenir de l’agriculture alors qu’ils soutiennent des choix politiques dangereux. Ils essaient d’enfumer la population en criant famine et en refusant obstinément toutes mesures qui pourraient commencer à protéger le vivant. D’ailleurs nombre d’agriculteurs en action ne sont pas dupes. Nous précisons ici que nous ne mettons pas sur le même plan des grands céréaliers millionnaires et des paysans qui s’appauvrissent mais qui promeuvent une agriculture raisonnée et respectueuse de l’environnement. C’est comme mettre sur le même plan une PME de 10 salariés et une multinationale du CAC 40. Comme le dit la Confédération Paysanne « une agriculture juste ça ne se fait pas au moins cher ». Le travail paysan doit être rémunéré à sa juste valeur. Or ce n’est pas le cas aujourd’hui où l’industrie agro-alimentaire et la grande distribution réalisent des profits faramineux quand la paysannerie connaît des revenus très bas. Un berger des Pyrénées gagne en moyenne 1700€ par mois !!
Le gouvernement a immédiatement cédé à la fraction la plus conservatrice du monde agricole en repoussant aux calendes grecques la fin de l’utilisation des pesticides (Plan ecophyto). Ces dispositions préservaient un minimum la qualité de la production agricole et la santé publique.
La conception des accords de libre-échange est largement responsable de cette situation mais aussi le fait que les contraintes réglementaires de l’Union Européenne varient d’un pays à l’autre entraînant une concurrence déloyale. La PAC (politique agricole commune) depuis 1992 a pris un tournant néolibéral en détruisant les mesures protectrices pour les agriculteurs, en les poussant au productivisme en favorisant les plus gros au détriment des petites exploitations ainsi qu’à l’accumulation du Capital. Ce sont des aides uniques et indifférenciées qui prévalent aujourd’hui. Comme le dit Aurélie Trouvé (députée LFI) « nous sommes dans un système d’aides absurde qui ne permet pas à la majorité des agriculteurs de vivre de leur travail. »
Nous pensons à Cerises que le modèle agricole européen et mondial doit résolument changer de cap pour aller vers une conception du commerce international non pas guidée par la rentabilité mais par la réponse aux besoins et à la souveraineté alimentaire des peuples. Il y a une similitude entre les souffrances vécues par les travailleurs paysans, les enseignants, les personnels soignants et l’ensemble de la population. Cette similitude s’appelle le néolibéralisme. Il importe donc de construire des convergences pour bâtir un projet de société qui ne se réduit pas à dire NON à une politique mais à construire une alternative. Une majorité de la population comprend qu’il faut réorienter le modèle agricole. L’Europe ne peut se construire que sur la base de l’entraide et du respect de la réciprocité entre les peuples. N’est-ce pas le moment pour que les mouvements eux-mêmes se considèrent comme force d’élaboration ?
Daniel Rome et Josiane Zarka.
- Président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, né le 15 janvier 1974 à Meaux est un homme d’affaires, syndicaliste et exploitant agricole céréalier français. Chef d’une exploitation céréalière de plus de 700 hectares en Seine-et-Marne il dirige de 2017 à 2023 la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux. Il préside également le conseil d’administration du groupe AVRIL.
- Exemple : Avril anciennement connu sous le nom de Sofiprotéol est un groupe agroindustriel français spécialisé dans l’alimentation humaine, l’alimentation animale, l’énergie et la chimie. Il dispose d’un portefeuille de marques comme Lesieur, Puget, Matines, ou Diester. Le groupe est fondé en 1983 à l’initiative d’une démarche collective du monde agricole français qui s’est structuré en filière pour assurer des débouchés aux productions françaises d’oléagineux (colza, tournesol, soja et de protéagineux (pois, féverole, lupin). Le groupe Avril opère dans 19 pays et emploie 7367 salariés. En 2022, son chiffre d’affaires s’élève à 9 milliards d’euros. Son siège est basé à Paris.
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