Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

L’intime politique : quand vient l’insurrection !

La révolution comme le corps à un rythme spécifique. Peut-on théoriser ce qu’on ignore ? Peut-on performer ce qu’on attend ? Peut-on faire advenir ce qu’on espère sans savoir d’où cela viendra réellement ? La révolution est-elle un processus long probablement déjà en cours  (le monde n’est-il d’ailleurs pas une révolution permanente ?) ou bien serons-nous surpris.es par une insurrection fulgurante, puissante et irrémédiable dont les conséquences nous sont étrangères tant que nous ne les aurons pas vécues ?

Et pendant que mon esprit divague autour des formes enviables ou pas de la révolution qu’on attend, espère et sans doute aussi un  peu craint, mon corps élabore sa propre géographie politique faite de violences intégrées, de flics dans la tête, de stigmates à dissimuler, de colère stimulantes et de libérations jouissives. Et le corps qui, au départ, est limitation devient alors la source de toutes les utopies.

L’esprit précède t’il le geste ? Doit-on préparer la révolution en fomentant des stratégies plus ou moins réalistes ou la laisser venir en continuant de pointer les incohérences, violences et autres dégueulasseries de ce monde ? Et pourtant, plus nous affutons notre connaissance des violences structurelles de ce monde occidental pourrissant plus, le changement qui nous semble inéluctable semble s’éloigner. Pourquoi ? Comment incarner la révolution, la préparer quitte à ce qu’elle nous prenne finalement par surprise et nous rende impuissant face à sa force ?

Et pendant que mon esprit tâche de penser les méthodes pour s’incarner dans une idée, mon corps et son  intime conviction politique semblent déjà se défaire des apparences de ce monde oppressant et oppressif. Une mue physique et politique. Intime et structurelle. Un corps politique commun qui bouillonne. La manière dont on habite notre corps n’est pas sans influencer la manière dont on pense. Quelque chose se prépare.

Accepter alors de nous concentrer uniquement sur ce dont nous avons prise, c’est à dire sur notre capacité physique à nous doter collectivement et individuellement des outils pour y faire face politiquement le moment venu ? Ou mettre son énergie ? Irons-nous aux urnes ? Pour en faire quoi ? Le temps disponible avant l’effondrement (de quelque nature qu’il soit) est-il suffisant pour élaborer des stratégies enviables ? D’où vient le mouvement qui entraine le mouvement insurrectionnel et définitif ? Y a-t-il un « déjà là » suffisamment puissant pour qu’on s’en empare ? L’étincelle est-elle suffisamment incandescente pour déclencher une révolution ?

Et pendant que la main de mon esprit divague, l’esprit de mon corps se prépare. Si le corps est la seule chose qu’on possède réellement, ce qui peut sembler être une pauvreté se renverse alors en puissance politique. Le corps et toutes les énergies des passions positives nous portent au-delà de ce qu’on croyait pouvoir faire. Comme sujet d’étonnement, il performe l’impensé.  L’universelle corporéité  politique et révolutionnaire. La politique pour tous et toutes qu’on le désire ou non.

Corinne Lepage
Educatrice populaire

Cet article fait partie du dossier :

Horizons d'émancipation

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