Sensibilisé aux problématiques de l’eau de par mes responsabilités de président du Syndicat Intercommunal des Eaux du Tournugeois, les réflexions livrées ici n’engagent que moi et n’auront d’intérêt qu’avec l’apport indispensable d’experts du sujet.
La question de la ressource en eau est plus vaste et complexe qu’il n’y parait. Il serait d’ailleurs plus juste de parler des eaux tant les besoins, les ressources, les différents usages, les aménagements, les lieux, les impacts environnementaux sont contrastés et sont autant d’éléments à croiser pour apporter les meilleures réponses possibles à la gestion globale de l’eau.
Dans notre secteur le changement climatique se traduit principalement par l’apparition de périodes caniculaires et par un dérèglement pluviométrique : beaucoup de pluie d’un coup, pas du tout pendant longtemps, sécheresses, inondations.
S’il n’y a pas d’impact pour l’instant sur les réserves en eau potable captée en bordure de la Saône, les conséquences sont par contre alarmantes pour la végétation et l’agriculture qui a un besoin important et régulier d’eau. Les besoins des professionnels sont également conséquents puisqu’ils représentent près du quart de l’eau potable consommée, presque deux tiers pour les particuliers et un cinquantième pour l’agriculture.
Localement, le manque actuel ne concerne donc pas l’EDCH (Eau Destinée à la Consommation Humaine), mais l’eau non traitée dont l’usage pourrait être largement rationalisé. Les pénuries estivales génèrent des conflits d’usage de l’eau et orientent la question vers les moyens d’actions.
En plusieurs décennies, nous sommes parvenus à alimenter en eau potable la quasi-totalité du territoire national. Nos savoir-faire nous permettraient d’imaginer la création d’un réseau d’eau non EDCH adapté à chacune des réalités locales et le moins impactant possible pour l’environnement.
Les eaux de ruissellement – qui ne contribuent pas au renouvellement des nappes phréatiques – pourraient alimenter d’importantes réserves au lieu d’être in fine rejetées dans les rivières, provoquant ainsi débordements et inondations. En fonction des lieux, des études de faisabilité permettront d’identifier les meilleures solutions afin d’accompagner une transition effective des usages de l’eau et de l’agriculture.
Oui mais comment agir ? Qui s’en occupe ? Qui finance ?
Questions d’autant plus embarrassantes dans un contexte où les petites communes n’ont plus les moyens d’entreprendre de gros investissements, où toutes les grandes compétences ont été progressivement transférées aux strates supérieures des communautés de communes et syndicats (assainissement, eaux potable, déchets…).
N’oublions pas que cela permet effectivement des économies d’échelles et des financements croisés des Département, Région, État qui peuvent atteindre 60 à 70% du montant global des projets. Mais dans tous les cas, il y a un reste à charge à financer par la structure porteuse. Et dans ces conditions, il est logique que les candidatures ne devancent pas l’appel !
Face à l’urgence, si nous souhaitons agir, il devient impératif d’identifier un porteur de projets d’aménagements de la ressource en eau, car de fait, il s’agit d’une compétence émergente. Les collectivités les plus adaptées à la gestion de l’eau me semble être les syndicats ou les intercommunalités, en adéquation avec les logiques géographiques.
Sachant que toutes ces instances ont le souci légitime d’une gestion rigoureuse qui pèse le moins possible sur le contribuable, il me semble néanmoins nécessaire de se doter de cette nouvelle compétence d’aménagement de la ressource en eau avec une part de financement dédié, complété par les financements publics.
Compte tenu du faible coût de l’eau (comparativement aux énergies), une contribution supplémentaire sur le prix de l’EDCH pourrait servir à « amorcer la pompe » du financement des projets.
C’est probablement le secteur le plus supportable, surtout si cela s’accompagne de mesures sociales pour les particuliers en difficultés et les exploitants agricoles.
La création d’un tel levier d’action me semble devenu incontournable et ne pourra se faire qu’avec l’adhésion des citoyens, d’une part pour en comprendre et défendre le principe, d’autre part pour convaincre et encourager les élus à prendre une décision très délicate et probablement impopulaire aux yeux du plus grand nombre.
Éric Villevière
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