Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

L’intelligence peut-elle être artificielle ? 

L’IA nous est présentée comme une entité abstraite, un fait indépendant des représentations et de toute intention. 

Or l’intelligence est toujours l’intelligence de quelque chose, elle n’existe pas hors de l’expérience affective et sociale. Elle implique donc toujours la subjectivité de la personne. Macron est intelligent, celles et ceux qui combattent sa politique aussi. Cette subjectivité est motrice de l’art mais aussi de la recherche scientifique : l’envie de dépasser le présent. Il n’y a pas d’intelligence sans imaginaire et projection vers un au-delà de ce qui nous rend insatisfaits. On nous dit que l’IA peut créer des images et qu’elle ne confond pas un chat avec un chien. Tu parles ! Le problème n’est pas là : quand une image nous montre des enfants palestiniens jeter des pierres à des soldats israéliens, l’image « oublie » que ces soldats sont des troupes d’occupation.

On dit que les femmes et les hommes ont toujours eu peur du progrès scientifique. Et de prendre l’exemple du train ou de l’électricité. Mais là il s’agit de toute autre chose. Hier les progrès prolongeaient, remplaçaient la force physique, désormais il s’agit d’actes cérébraux. Et comme toutes les mauvaises actions, on commence par une bonne justification : l’IA a permis à un paraplégique de remarcher. Bravo. Vraiment. Mais la santé peut devenir un cheval de Troie… : à partir de là on nous dit que l’humain a des limites, des défauts, qu’il vieillit et qu’il meurt. Nous sommes si imparfaits. Ben oui, c’est ce qui nous pousse à nous socialiser. On tente de nous habituer à perdre ce qu’il nous reste d’estime de nous. Il y a ici une idéologie qui nous fait accepter de devenir l’appendice de la machine comme signe de modernité. On commence par en rire : Macron en éboueur, tout y est le visage, la voix, la gestuelle… rire innocent. Innocent encore pour combien de temps ? Il y a une marche vers la banalisation de la négation de l’humain, de la vacuité du Moi. La dématérialisation est exaltée comme le pouvoir individuel de se fondre dans un tout qui manque à notre socialisation. Mais qui me dit qu’un jour, « on » ne me fera pas adopter à mon insu, par impulsion ce que je réprouve ? Attention à un héritage scientiste et positiviste qui, depuis la révolution industrielle nous fait considérer chaque innovation comme unilatéralement bénéfique. 

Les forces du capital savent y aller à l’homéopathie et trop souvent les forces démocratiques se réveillent quand le mal est fait. La loi travail de 2016 est déjà dans les cartons d’un certain Poniatowski en 1978 déclarant qu’il fallait ne plus dissocier travail et chômage. En 1973 Giscard supprime la planche à billets de la Banque de France pour que l’État emprunte aux banques et aujourd’hui on nous brandit le déficit public pour justifier l’écrasement des services publics ou leur privatisation. On nous dit que la loi retraite était annoncée par Macron avant son élection, c’est vrai. Mais tant que ça ne nous saute pas au visage…

On ne peut rejeter le progrès mais il y a des interdictions de manipulations génétiques qui montrent que tout n’est pas acceptable et l’usage de l’atome sous forme de bombe est difficilement qualifiable de progrès. Alors qui maîtrise l’outil et ses applications ? Qui est le « on » de l’histoire ? On ne peut plus tergiverser avec la question démocratique. Une course de vitesse est engagée entre développement de l’idéologie transhumaniste et l’imposition d’une nouvelle étape des pratiques démocratiques.

Pierre Zarka

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Horizons d'émancipation

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