Grèves, manifestations, marches, occupations, pétitions… non, le moment n’est pas atone et les motifs de mobilisations, à commencer par les retraites, ne manquent pas.
Pourtant, l’abstention aux élections est forte, surtout chez les jeunes et dans les quartiers populaires, et les structures organisées sont en crise (mouvements politiques, syndicats). Elles sont vieillissantes, ne se renouvellent pas et le tissu militant se rétrécit. Les partis traditionnels ont subi un effondrement électoral et sont tous en crise y compris, à gauche, ceux qui prétendaient faire mieux que les autres. Le taux de syndicalisation reste faible surtout chez les plus jeunes.
Les manifestations sur les retraites ne masquent pas le fait que, depuis plusieurs années, la plupart des mobilisations se sont construites en dehors de structures organisées. Les Gilets Jaunes en sont l’exemple emblématique ou dans une moindre mesure la grève des contrôleurs et contrôleuses du rail en décembre 2022. Les Marches « Climat » ont été impulsées par des jeunes, membres d’associations ou pas, rejetant instinctivement les partis politiques perçus comme récupérateurs. Quant aux mobilisations féministes, elles sont animées par des collectifs composés de plusieurs organisations qui travaillent ensemble ponctuellement et attirent des militant·es de plus en plus jeunes dans les manifestations.
Il n’y a pas de désintérêt pour la politique mais la politisation se fait à l’extérieur des partis et parfois des organisations associatives ou syndicales.
Ces nouvelles formes de mobilisations suscitent plus d’enthousiasme, moins de méfiance et permettent un travail plus fluide, à la base.
Les organisations traditionnelles ne répondent plus aux aspirations de la population. Elles prétendent, encore trop souvent, faire à la place des gens ou les représenter.
Pour les partis politiques, la méfiance massive est en partie due à la fonctionnalité même des partis politiques dans la Vème république, leur vision électoraliste ou le relai qu’elles constituent pour des carriéristes. Les associations et syndicats, se voient parfois reprocher une dérive institutionnelle.
Le contraste entre vieillissement des structures et jeunesse dans les mobilisations n’est pas un hasard. Le rejet de ces structures traditionnelles incombe à la fois à leur fonctionnement trop hiérarchique, pyramidal, très masculinisé et à leur manière de concevoir leur activité. Ce fonctionnement n’est pas théorisé mais le décalage entre leurs propositions d’émancipation et leurs pratiques est grand. De fait, des militant·es professionnel·les ou des professionnel·les de la politique ou du syndicalisme confisquent l’activité qui se veut émancipatrice.
Cette crise nous oblige à concevoir l’activité militante et citoyenne autrement.
Tout d’abord parce qu’elle pourrait ne pas profiter aux forces de gauche mais au contraire aux néofascistes qui, même s’iels sont aussi concerné·es par la crise dans une moindre mesure, pourraient s’engouffrer dans la brèche et combler un vide.
Ensuite, elle offre l’opportunité de réfléchir et de proposer d’autres pratiques ou modèles alternatifs.
L’autogestion, but et chemin, est la bonne référence pour changer nos pratiques immédiatement et engager un processus d’autogestion globale de la société.
Renouveler les pratiques et conceptions de la politique, comme du syndicalisme ou de l’engagement associatif, passe par une démocratie radicale à tous les niveaux, un développement des pratiques participatives, moins de délégation de pouvoir avec des décisions prises à la base et pas imposées d’en haut par des chefs. Les organisations, impérativement plus féminisées, au fonctionnement autogéré doivent se concevoir comme des relais .
Les expériences de rassemblements citoyens et de listes citoyennes lors des dernières élections municipales, par exemple, attestent de cette aspiration.
Enfin, le changement de conception du rôle des citoyen·nes ne doit il pas commencer à la base par une école émancipatrice, et s’ancrer sur les lieux de travail ?
Florence Ciaravola
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