Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Désir de politique et espoir

Indéniablement notre système politique est issu d’un compromis social d’après-guerre qui comportait trois piliers fondamentaux que même la 5ème république n’a pas remis complètement en cause : un pilier de démocratie représentative avec les partis, un pilier de démocratie sociale avec les syndicats et un pilier de démocratie civile avec les associations. Cela correspondait à l’organisation de la société, dont la production industrielle de masse en est la représentation la plus courante. Ces 3 piliers sont en crise, car la société n’est plus la même ! 

Donc si tout l’arc de gauche est en crise, ce n’est pas une coïncidence. En peu de mots quelques éléments qui doivent aboutir à d’autres pratiques politiques. On peut citer le fait que les sphères privées, renforcées, sont très perméables avec les sphères publiques qui auparavant étaient très séparées, et qui font entrer dans le champ politique les femmes – autrefois invisibilisées dans la sphère uniquement privée – mais aussi les jeunes ou les enfants, les minorités et toutes les diversités sociales, culturelles, etc. Tout un chacun peut devenir un contributeur, un porte-parole même éphémère, via par exemple les réseaux sociaux, ce qui bouleverse la fonction de représentation, qui touche les 3 piliers dont j’ai parlé au début. Pour compléter, et de façon paradoxale par rapport à la participation aux élections, de plus en plus de citoyen·nes veulent intervenir dans la « vie de la cité », souvent pour des points de vue individuels, mais pas toujours ! Il est impossible aujourd’hui de faire passer en catimini la plupart des projets politiques, et cela oblige à en revoir les pratiques. C’est une bonne nouvelle car la formule « tout est politique » est toujours vraie ! Mais cela bouscule l’organisation des partis, des syndicats et des associations mais aussi des institutions de l’État, qui ne sont pas du tout adaptés à ce fonctionnement plus « participatif » ou « autogestionnaire » qui a émergé avec une société où l’individu a une plus grande place, et où les temps qu’on ne passe pas au travail sont bien plus importants qu’il y a 70 ans.

Changer de braquet transformateur et concevoir la chose publique autrement 

Oui, il faut y croire ! Par exemple, nous venons à la Métropole de Lyon de créer la plus grande régie publique d’eau potable de France, à pleine capacité depuis le 1er janvier 2023. Un processus avec des associations et des habitant·es est en cours depuis 18 mois qui a permis de travailler le contrat d’objectifs de la régie, sa gouvernance, la notion du droit à l’eau et qui va travailler à la tarification environnementale et sociale à égalité avec les services et les élu·es « politiques ». Pour la première fois une régie aura 4 représentant·es citoyen·nes à parité dans son conseil d’administration, et ceux-celles-ci représentent une assemblée des usager·es de plusieurs centaines de membres. Les modalités de l’éducation populaire s’appliquent maintenant partout, avec plus ou moins de biais malheureusement (je ne citerai pas la convention climat mais vous voyez ce que je veux dire), mais beaucoup de communes l’expérimentent avec succès, soit avec des listes de type municipaliste, soit en travaillant avec leurs habitant.es (pour changer de Saillans, il faut regarder la convention climat de Est Ensemble, les travaux citoyens de Marmande, ou encore le pôle citoyen de Sarlat-la-Caneda). Ce qui est surprenant, c’est de ne pas beaucoup les trouver à l’œuvre dans les organisations politiques ou syndicales ! Mais ceci explique peut-être cela par rapport à la 1ère question…

Un processus d’autogestions de la société ?

Je ne sais pas si l’autogestion a réponse à tout mais ce qui est sûr c’est que la démocratie représentative n’a pas disparu pour autant et que les institutions sont les plus difficiles à faire évoluer. Pour changer nos conceptions de la politique, je pense qu’il faut aussi regarder en quoi la société a changé, en particulier son organisation. Comme nous sommes dans nos contradictions, entre deux rives probablement, je crois à « l’hybridation » pour progresser. Alors que nous sommes toujours dans l’hyperpersonnalisation, le mélange des 3 piliers entre eux et avec des individus intéressés est indispensable, et les formes pour y arriver sont presque aussi importantes que le fond. Pour susciter aussi le désir de politique, et l’espoir !

Laurence Boffet,
Vice présidente Métropole du Grand Lyon

Cet article fait partie du dossier :

Horizons d'émancipation

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