Lors de l’élection présidentielle nous nous sommes retrouvés, des militants de l’équipe d’animation de la revue Cerises et ceux d’APLUTSOC (Arguments pour la Lutte Sociale), nous avons eu de très riches échanges et nous avons ensemble fait campagne pour donner une traduction politique à l’abstention populaire par un texte-manifeste appelant au boycott.
Il n’a jamais été question pour nous, après les échanges que nous avons eu lors des échéances électorales, présidentielles et législatives, de rompre la discussion avec vous ou de partir discrètement sur la pointe des pieds. Simplement après la bataille pour le boycott constituant, contenant en lui la question d’une constituante souveraine de rupture avec la Vème république, il y a eu un fait nouveau capital, le début de l’agression du régime de Poutine le 24 févier 2022 contre le peuple ukrainien, commençant une guerre qui dure depuis maintenant 9 mois. De fait notre réseau, Aplutsoc (Argument pour la Lutte Sociale), s’est totalement investi dans un travail de solidarité internationaliste, qui aurait nécessité d’autres moyens que ceux que nous avons actuellement à notre disposition. La première manifestation devant l’ambassade de Russie au mois de juin a rassemblé 500 militants avec un très faible soutien syndical, sauf des camarades de SUD, mais elle a pris date et sauvé l’honneur. La position de la NUPES dans la présidentielle et ses candidats dans les législatives ont fait totalement silence sur la guerre. Alors que le régime autocratique de Poutine menait une guerre génocidaire contre le peuple ukrainien. L’appel à manifester le 10 décembre, sur le mot d’ordre « troupes russes hors d’Ukraine » a été soutenu par l’ensemble des organisations syndicales, dont la CGT. Enfin ! Donc c’est en raison de ce travail que notre tout petit réseau a mis en sommeil la discussion avec votre réseau.
Pierre Zarka dans un de vos documents récents explique que le capitalisme vise à « remodeler la société en profondeur… il est question d’aller vers le rationnement en matière d’énergie, nombre de luttes montrent qu’en matière de pouvoir d’achat, de devenir des services publics, d’emploi etc. nous sommes au seuil d’une fracture nouvelle. Le dérèglement climatique montre que nous sommes en train de le franchir » Tout cela est vrai mais il manque un point fondamental dans l’analyse : la guerre contre l’Ukraine introduit la vraie ligne de fracture, le processus de militarisation des États s’amplifie, le Capital cherche dans la guerre les moyens de surmonter la crise de son propre mode de production. Faut-il rappeler Jaurès : « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée l’orage ! »
Si nous nous posons la question concrète de l’actualité du communisme, que vous posez par ailleurs, la question d’une discussion sur le retour de la guerre aux portes de l’Europe me parait incontournable. Ce qui ne veut pas dire que la bataille contre le régime « du coup d’état permanent » que nous avons posé dans le boycott constituant ne reste pas d’actualité et en connexion aujourd’hui avec toutes les batailles concrètes qui se mènent dans les entreprises ou en défense des services publics. Simplement je pense que nous avons sous-estimé la capacité de Mélenchon et de la NUPES d’utiliser encore une fois le logiciel de la Vème république. Entre la présidentielle et la législative il y a un fait important : une partie de la jeunesse et du prolétariat a voté Mélenchon mais se sont abstenus dans la législative. Les larges masses se détournent des partis institutionnels, y compris de ceux qui à l’extrême gauche se pensent comme alternative. C’est un fait qui n’est pas seulement national, il se constate ailleurs. Le fasciste Bolsonaro était parvenu au pouvoir sur la base des adaptations de la politique du PT et de Lula au néo-libéralisme. Des millions d’hommes ont manifesté contre Bolsonaro durant son mandat. Lula vient de remporter une courte victoire mais son parti, le PT, recule électoralement.
En France le mouvement de décomposition à gauche se poursuit. Le NPA vient littéralement de s’autodétruire sur la question de la participation à la NUPES, tandis que la FI, récemment reprise autoritairement en main par Mélenchon, tient une réunion de direction en excluant de fait quatre dirigeants du mouvement (Clémentine Autain, Alexis Corbières, François Ruffin et Eric Coquerel). Dont trois membres historiques de la constitution de l’ex-Front de Gauche de 2008.
Il n’existait pas un mouvement dans notre pays en capacité de permettre à l’abstention massive de passer au stade auto-organisé du boycott. À juste titre, l’adjectif constituant avait été ajouté dans notre appel… Nous avons essayé de faire un pas pour répondre à ce vide de la représentation. C’est bien de l’avoir tenté. Le problème est à nouveau devant nous, dans des conditions nouvelles, celle de la guerre aux portes de l’Europe. L’accélération de la crise à gauche – aujourd’hui la gauche c’est la NUPES – ouvre la possibilité de reprendre le combat que nous avons mené.
Il faut bien sur dialoguer avec toutes celles et ceux qui le souhaitent
Henri