Colonialité, racisme…. Culture !

En novembre 2017, Emmanuel Macron prononçait un discours à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Dans un élan d’humanisme, le président n’avait pas manqué d’évoquer la restitution des œuvres muséales, et d’ailleurs, dans sa valise, le voyageur transportait 26 pièces des trésors royaux d’Abomey du Bénin qu’il avait remises au gouvernement béninois. La question de ces restitutions semble n’être pas allée plus loin que ce piètre cadeau et le discours présidentiel de 2017.

Grande nation coloniale, la France est concernée mais pas seule. Ce sont en effet « plus de 500 000 œuvres africaines qui sont stockées sur l’ensemble du continent européen » indique le rapport  Sarr -Savoy qui y oppose les seules 100 000 pièces restées en Afrique. En Europe, en France, ces œuvres se trouvent très majoritairement déposées dans les grands musées nationaux ou privés. Ce rapport « Sarr -Savoy » commandé par le gouvernement français en 2017, rédigé par l’universitaire et écrivain sénégalais Felwine Sarr et l’historienne de l’art française Bénédicte Savoy, a été publié  en novembre 2018. Il demeure unique. Il indique que 90 000 œuvres d’art africaines subsistent dans les musées nationaux français.

La France recèle donc 90 000 œuvres d’art africaines dans les musées nationaux… le moins que l’on puisse dire est que ces œuvres ne sont pas – ou si peu – découvertes, regardées, interrogées pour faire entendre l’humanité de leurs auteurs. Comment ne pas mesurer que cette humanité est à la fois à faire fréquenter parmi le peuple français et en même temps que ces objets d’humanité sont à restituer aux peuples propriétaires ? On peut inventer tous les colifichets en forme de mains jaunes, on ne peut envisager de faire reculer le racisme dans notre grand pays colonial sans qu’ici et maintenant se vérifie l’humanité des peuples qui virent cette humanité confisquée, notamment par nos républiques successives.

Ce  considérable morceau de culture muséale est la certitude qu’en Afrique des peuples vécurent, travaillèrent, construisirent, inventèrent, réalisèrent, modifièrent, accélérèrent, bousculèrent leurs représentations du monde. Ces hier, aujourd’hui et demain que porte l’œuvre d’art sont la manifestation même de l’humanité des mondes où naquirent ces œuvres.

Difficile ? Évidemment ! Nous avons affaire à du temps long qui se compte en termes de siècles de mépris des humains et des cultures des régions colonisées, d’animalisation des peuples concernés. Dans ce combat, des contradictions peuvent être bienvenues. Ainsi rendons populaire la contradiction qui nous fait tout à la fois déposer dans les vitrines muséales les œuvres de cultures des peuples africains et en même temps supporter les agressions racistes alimentées par l’infériorité supposée de ceux et celles qui sont d’ailleurs…

Catherine Destom Bottin